Coin de jardin à l'Hermitage. Pontoise

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Camille Pissarro
Coin de jardin à l'Hermitage. Pontoise
1877
huile sur toile
H. 55,0 ; L. 46,0 cm.
Donation Max et Rosy Kaganovitch, 1973
© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Mathieu Rabeau
Camille Pissarro
Coin de jardin à l'Hermitage. Pontoise
1877
huile sur toile
H. 55,0 ; L. 46,0 cm.
Donation Max et Rosy Kaganovitch, 1973
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Camille Pissarro (1830 - 1903)
Oeuvre non exposée en salle actuellement

Coin de jardin à l'Hermitage semble s'éloigner du monde familier de Pissarro pour celui, plus policé et urbain, des jardins de Monet. Dans ce tableau presque carré, un jardin d'agrément remplace les habituels potagers de village et les fleurs, arbres, buissons d'horticulteur prennent la place des choux, salades et artichauts. La différence n'est pas anodine. On a durement reproché à Pissarro, lors de la première exposition impressionniste de 1874, sa propension à représenter le légume ordinaire en lieu et place de la noble végétation. Mais Pissarro, qui se décrit dans une lettre à son fils Lucien en 1887 comme "un bourgeois sans le sou", n'est pas l'homme d'un seul milieu. Il ne vit pas en ermite rustique parmi les paysans des environs de Pontoise. Non seulement il a pu voir les compositions analogues de Renoir et Monet mais il a bien connu la demeure décrite ici, propriété de Marie Desraimes (1828-1894), grande bourgeoise et républicaine engagée.
Si Pissarro a plusieurs fois représenté, autour de 1876, le parc qui entoure la vaste bâtisse, il semble ici se concentrer sur le dialogue de deux petites filles jouant sur un banc, dans l'ombre de la végétation luxuriante. Très subtilement, à la distance qu'il convient, il se penche sur les secrets et l'imaginaire de l'enfance. Les deux figures centrales forment le point d'articulation, comme chez Corot, d'une organisation formelle qui orchestre de multiples lignes serpentines. Et ce petit banc fleuri prend des allures de barque féerique, à mi-chemin des contes pour enfants et du yachting cher à l'impressionnisme.
A droite, le furtif rappel architectural introduit un habile déséquilibre comme s'il s'agissait de rendre la sensation d'un regard mobile. Ce mouvement de l'oeil ne trouble pas pour autant la solidité de la composition où l'on note une forte empreinte cézannienne. Les deux artistes travaillent souvent ensemble durant cette période et s'influencent mutuellement. La façon de poser la couleur en courtes stries vibrantes, sensible en particulier dans la masse verte des arbustes qui se balancent dans le haut de la toile, est la marque de cette collaboration décisive et durable.