Elmgreen & Dragset : quelques clins d’œil aux chefs-d’œuvre du musée d’Orsay

Elmgreen & Dragset
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Elmgreen & Dragset
L’Addition, 2024
© 2024 Andrea Rossetti © Adagp, Paris, 2025

Pour la première fois de son histoire, la nef des sculptures du musée d’Orsay a subi une transformation radicale, imaginée par les artistes Elmgreen & Dragset.

Corps de texte

Elmgreen & Dragset et les sculptures de la nef

Depuis le début de leur collaboration, le duo reconfigure des espaces d’exposition dans le monde entier en créant des scènes saisissantes qui remettent en question nos idées sur les lieux et les objets familiers, ainsi que sur les modes de présentation des œuvres d’art. Véritables trublions de la scène artistique contemporaine, Elmgreen & Dragset ont habilement associé leurs œuvres à la présentation permanente des sculptures du XIXe siècle du musée d’Orsay, inchangée depuis près de 40 ans.

Elmgreen & Dragset
© 2024 Andrea Rossetti © Adagp, Paris, 2025

«Le Garçon au drone» en regard de l'«Anacréon»

Boy with Drone (Garçon au drone) reprend le geste d’une sculpture située en dessous, le bras tendu. Mais alors que l’Anacréon (1851) d’Eugène Guillaume tient une tasse sur laquelle un oiseau est perché, l’œuvre d’Elmgreen & Dragset tient un drone, comme si elle s’apprêtait à l’envoyer dans le monde. Le drone devient une extension du corps, une extension de soi.

Eugène Guillaume
Anacréon, 1851
Musée d'Orsay
Achat, 1852
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
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Elmgreen & Dragset
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Le «David» en regard du «Chanteur florentin»

La collection du musée d’Orsay compte plusieurs sculptures de personnages qui tiennent des instruments de musique, nous laissant imaginer le son qu’ils produisent, à l’instar du Chanteur florentin du XVe siècle (1865) de Paul Dubois, présenté dans la nef. Avec le David d’Elmgreen & Dragset, portrait d’un DJ berlinois, l’impression est semblable. Il porte des écouteurs, mais nous n’entendons pas ce qu’il écoute. Avec un effort d’imagination, nous pouvons prendre conscience de la manière dont nous projetons notre identité sur les gens, même à partir d’une observation superficielle.

Paul Dubois, Barbedienne (Maison)
Chanteur florentin du XVe siècle, 1865
Musée d'Orsay
Achat après commande de l'Etat, 1866
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Michel Urtado
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Elmgreen & Dragset
© 2024 Andrea Rossetti © Adagp, Paris, 2025

«Chaussettes sales» en regard du «Désespoir»

Dirty Socks (Chaussettes sales) représente un demi torse aux jambes croisées, qui renvoie à une photographie de l’artiste Peter Hujar. Cette sculpture est un hommage d’Elmgreen & Dragset au photographe défunt et à ses contemporains qui ont jeté, pendant l’épidémie de sida, les bases des libertés dont jouissent aujourd’hui les communautés queer. Les jambes croisées font visuellement écho à celles du Désespoir (1869) de Jean-Joseph Perraud. Alors que l’œuvre ancienne exprime la douleur et transmet un sentiment de vulnérabilité, Dirty Socks adopte une approche plus insouciante et détendue, comme un corps qui se prélasse par une chaude journée d’été.

Jean-Joseph Perraud
Le Désespoir, 1869
Collection Musée du Louvre, Paris - Musée d'Orsay
Achat, 1869 ; Dépôt du musée du Louvre, 1986
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Jean Schormans
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Elmgreen & Dragset
© 2024 Andrea Rossetti © Adagp, Paris, 2025

«Le Dessin» en regard des «Romains de la décadence» et de «L'Atelier du peintre»

La sculpture hyperréaliste The Drawing (Le Dessin), représente un enfant situé au-dessous des Romains de la décadence (1847), l’immense tableau de Thomas Couture. Muni de son papier et de son crayon, le garçon tente de dessiner ce qu’il voit, et on pourrait facilement le confondre avec un élève en sortie scolaire. Le contraste entre la grande toile détaillée et vibrante de Couture et la petite feuille presque blanche de l’enfant souligne les différences profondes entre l’âge adulte et l’enfance, l’histoire et le présent, le collectif et l’individuel. Cette œuvre a été inspirée par un personnage de L’Atelier du peintre (1855) de Gustave Courbet, accroché en face des Romains de la décadence. Courbet représente vraisemblablement son fils Désiré, immortalisé dans le geste simple et fort du dessin, à l’origine de nombreuses formes d’art visuel.

Gustave Courbet
L'Atelier du peintre, allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique (détail), entre 1854 et 1855
Musée d'Orsay
Achat avec l'aide d'une souscription publique et de la Société des Amis du Louvre, 1920
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
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Thomas Couture
Romains de la décadence, 1847
Musée d'Orsay
Achat au Salon, 1846
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
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Elmgreen & Dragset
© 2024 Andrea Rossetti © Adagp, Paris, 2025

«L'Addition» en regard du «Paysage enneigé»

La surface du haut de la plateforme suspendue d’Elmgreen & Dragset semble couverte de neige. La figure d’un promeneur solitaire traverse le paysage blanc, comme celui du tableau Schneelandschaft (Paysage enneigé) de Cuno Amiet, présenté dans la salle 57. Sur la partie supérieure de la plateforme, Elmgreen & Dragset ont créé un espace qui évoque un sentiment de solitude et de tranquillité au sein du musée d’Orsay. Dans la nef des sculptures occupée par de nombreuses œuvres d’art, aucune n’est complètement isolée. Ici, les artistes invoquent un scénario onirique – comme le photogramme d’un film, un mouvement figé – suspendu au-dessus de la profusion de sculptures en contrebas. À l’image de l’évolution constante de la relation de l’homme à la culture et à la nature, on peut se demander d’où vient ce personnage et où il va. Tout comme les artistes et les visiteurs du musée, il est peut-être à la recherche de nouvelles perspectives.

Cuno Amiet
Paysage de neige, dit aussi Grand hiver, 1904
Musée d'Orsay
Achat avec la participation de la fondation Meyer et d'un mécénat privé en souvenir de Maurice et Betty Robin, 1999
M. u. D. Thalmann, CH-3360 Herzogenbuchsee-Photo © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
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Elmgreen & Dragset
L’Addition, 2024
© 2024 Andrea Rossetti © Adagp, Paris, 2025

«C’est comme ça que nous jouons ensemble» en regard de la «Jeunesse d'Aristote»

L’exposition « L’Addition » présente deux personnages qui portent des casques de réalité virtuelle, This is How We Play Together (C’est comme ça que nous jouons ensemble). Tandis que l’une des sculptures est suspendue à la plateforme, l’autre est debout dans la nef, dans une attitude révérencieuse, presque religieuse. Tous deux sont absorbés par la réalité virtuelle qu’ils expérimentent derrière leurs masques. Bien qu’ils semblent isolés de leur environnement, ils incarnent des représentations contemporaines de la curiosité et de l’apprentissage, à l’instar de certains personnages de la collection du musée d’Orsay, absorbés dans l’étude d’un livre ou d’un manuscrit, à l’exemple de Jeunesse d’Aristote de Charles Degeorge (vers 1875).

Charles Degeorge
Jeunesse d'Aristote, vers 1875
Musée d'Orsay
Achat au Salon, 1875
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
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Elmgreen & Dragset
© 2024 Andrea Rossetti © Adagp, Paris, 2025