Questions à François Morel et Antoine Sahler

Sous-titre
Ce qu'a vu le pavé · concerts au musée d'Orsay
L'art s'affiche
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François Morel et Antoine Sahler
© DR

L'exposition « L'art est dans la rue » présentée au musée d'Orsay du 18 mars au 6 juillet 2025 est l'occasion de se plonger dans l'univers de la chanson de rue. À la manœuvre, François Morel et Antoine Sahler, qui ont imaginé un récital, Ce qu'a vu le pavé, qui puise dans le répertoire tout en laissant une grande place à la création. Pour ce spectacle à l'auditorium du 3 au 6 avril, qui se prolongera durant tout le mois de Jeudis en musique dans la nef, ils ont convié une joyeuse bande. Tous deux répondent à nos questions.

Corps de texte

Pouvez-vous, pour commencer, définir ce qu’est la chanson de rue ?

François Morel et Antoine Sahler : C’est presque un pléonasme. La chanson, par essence, est un genre populaire destiné à circuler, à se chanter par fragments, à se siffloter dans les lieux publics. Même si bien sûr il existe une sorte de « genre » qui correspondrait à une chanson gouailleuse, immédiate, qui serait « la chanson de rue ». Sans dédaigner du tout ce style (que nous évoquons dans des chansons de Bruant par exemple, ou dans la création J’m’appelle Bruant) nous avons davantage travaillé sur « les chansons sur le thème de la rue » que sur les « chansons de rue ».

Comment avez-vous sélectionné les chansons que vous interprèterez dans ce spectacle ? Avez-vous fait ces choix ensemble d’emblée ou avez-vous d’abord travaillé chacun de votre côté ?  

FM et AS : Il y avait des envies évidentes, par rapport à des chansons connues de nous deux (autour d’Yvette Guilbert, de Bruant…) mais très vite nous avons surtout fonctionné en rêvant parallèlement à des sujets que l’on souhaitait aborder, la flânerie, le danger, la condition des femmes… et puis ce que traitent les affiches : les spectacles, la publicité… Ensuite ce fut, comme toujours, des aller-retours entre nous deux, un joyeux ping-pong !

Anonyme
Aristide Bruant en buste, vers 1890
Musée d'Orsay
Don Pierre Coursaget, par l'intermédiaire de la société des Amis du musée d'Orsay, 1997
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt

Certaines chansons du spectacle sont des créations originales. Quelles sont les inspirations derrière ces nouvelles compositions ? Comment s’intègrent-elle parmi les chansons de rue de la Belle Époque ?

FM et AS : Par exemple, après la lecture d’une biographie de La Goulue, Antoine s’est arrêté sur une phrase : la célèbre danseuse du Moulin Rouge aurait dit à Toulouse Lautrec (son « petit touffu ») : « Peins, tu resteras, et moi, on m’oubliera. » Tout de suite, ces quelques mots ressemblaient au refrain d’une chanson, condensaient un sujet, celui du rapport du modèle au peintre, et de la postérité. Mais un peu comme un jeu, et comme souvent dans le travail collectif entre nous, une chanson en a amené une autre… Au final, le répertoire du spectacle est presque composé pour la moitié de créations originales.

L’exposition « L’art est dans la rue » est le prétexte de ce spectacle : avez-vous cherché à faire des ponts entre le spectacle et l’exposition ou des clins d’œil à certaines affiches ?

FM et AS : Presque un an plus tôt, nous avions déjà à notre disposition une iconographie des affiches qui allaient être exposées, et des grandes thématiques. Bien sûr cela a nourri notre imaginaire. Nous avons pu ensuite discuter avec Élise Dubreuil et Clémence Raynaud, commissaires de l’exposition, qui nous ont donné plus de détails sur des sujets précis que nous souhaitions approfondir (par exemple sur le sujet des Apaches). Mais on s’est toujours senti libre ! L’idée était de faire un spectacle en écho avec l’expo, mais que cela reste vivant, ouvert !

Louis Victor Paul Bacard
La Goulue assise de face, main droite levée tenant un verre de vin, et main gauche posée sur une table, vers 1885
Musée d'Orsay
Achat, 1990
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

L’exposition permet de constater que le spectacle et le divertissement s’affichent, mais c’est également le cas de la politique. La chanson de rue délivre-t-elle également un message politique ?

FM et AS : Parfois de façon évidente. Et parfois aussi elle résonne aujourd’hui différemment et devient politique avec le recul de l’histoire. Le texte Récidiviste de Bruant qui représente un vagabond répétant « je cherche un logement » résonne – hélas- encore aujourd’hui. Comme un sujet que le politique n’arrive pas à traiter. Et bien sûr, la question de la place de la femme, de sa représentation, est centrale dans ce répertoire. Ceux qui verront le spectacle comprendront…

Vous avez invité de nombreux artistes à se joindre à vous sur scène. Comment et pourquoi les avez-vous choisis les uns les autres ?

FM et AS : Il y a quelques années, nous avions déjà réuni cette même équipe pour un hommage à Brassens, à Sète. Cette création nous avait tous enthousiasmés. La proposition du musée d’Orsay était l’occasion rêvée de reconstituer cette équipe si joyeuse, si talentueuse, et si généreuse. D’autant que les qualités d’interprètes de chanteuses comme Juliette, Judith Chemla ou Lucrèce Sassella, leur sens de la théâtralité, et leur éclectisme, nous paraissaient totalement adéquats pour ce type de «commande ».

Ce spectacle, à l’auditorium, se prolongera par des jeudis en musique dans la nef : avez-vous abordé différemment ces récitals qui se feront au milieu des œuvres et des visiteurs du musée, dans la grande nef d’Orsay ?

FM et AS : On ne sait pas encore ! Nous attendons la première (ndlr : le jeudi 3 avril, 20h à l'auditorium) pour savoir ce qu’on fera les jeudis, quelles chansons nous paraîtront les plus adaptées pour cette forme courte et plus libre encore. Mais la matière est suffisamment riche et variée… On verra bien !

François Morel et Antoine Sahler
© DR
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