La peinture en Europe autour de 1900

Sous-titre
Un nouvel accrochage en salle 69
Le musée à l'œuvre
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Le musée à l'œuvre
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Olga Boznanska
Portrait de Madame D... (recto) ; Portrait de femme (verso), 1913
Musée d'Orsay
Achat à Olga Boznanska, 1913
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Depuis le 15 avril, un nouvel accrochage permanent est à découvrir dans la salle 69 (niveau médian). Visant à mieux mettre en valeur les collections de peinture étrangère du musée d’Orsay, il s’articule autour de deux thématiques, le paysage et la figure, ouvrant un dialogue entre des artistes de pays et de sensibilités différentes. 

Décryptage par Laure Chabanne, conservatrice en chef Peinture et Leïla Jarbouai, conservatrice en chef Peinture et Arts graphiques. 

Corps de texte

© Musée d’Orsay

 

 

Les peintres étrangers au musée d'Orsay

Si les collections de peinture du musée d’Orsay sont surtout réputées pour leurs œuvres impressionnistes et postimpressionnistes françaises, elles ont également vocation à offrir un aperçu beaucoup plus large de la création artistique de 1848 à 1914.

Dès les années 1890, Léonce Bénédite, conservateur du musée du Luxembourg (musée national alors consacré aux artistes vivants), acheta des toiles exposées dans les salons parisiens par des artistes étrangers. Cette section internationale prit un tel développement dans les décennies suivantes qu’elle constitua pendant l’Entre-Deux-Guerres un musée indépendant installé au Jeu-de-Paume. Lorsque la décision fut prise à la fin des années 1970 de transformer l’ancienne gare d’Orsay en musée du XIXe siècle, la politique d’acquisition d’œuvres étrangères connut un nouvel essor qui n’a jamais faibli depuis.

Un certain nombre de peintres peu ou pas encore représentés dans les musées français, comme les Suédois Eugen Jansson et August Strindberg, sont ainsi entrés dans les collections du musée. Ces acquisitions se sont conjuguées avec une série d’expositions sur des artistes considérés comme des figures historiques majeures dans leurs pays respectifs. Christian Krohg (1852-1925). Le peuple du Nord s’inscrit dans cette lignée, tout comme auparavant Harriet Backer (1845-1932). La musique des couleurs en 2024-2025. 

 

Qui souhaite découvrir des œuvres de peintres étrangers au musée d’Orsay peut en voir dans de nombreuses salles des collections permanentes. Dans la première partie du parcours, au niveau nef, il s’agit principalement de personnalités ayant étudié et/ou vécu à Paris, épicentre de la vie artistique dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ainsi Arrangement en gris et noir n°1 de l’Américain James Abbott Mc Neill Whistler est-il accroché aux côtés des toiles d’Henri Fantin-Latour, son compagnon de route. Un tableau du Turc Osman Hamdy Bey, disciple de Gustave Boulanger et de Jean-Léon Gérôme, prend place parmi les productions orientalistes dans la galerie Lille. Au cinquième étage du musée, outre le Hollandais Vincent Van Gogh, dont l’œuvre fut étroitement liée à l’impressionnisme et à la France, on retrouve notamment le Belge Théo Van Rysselberghe, ami intime de Paul Signac, et ses compatriotes Anna Boch et Georges Lemmen, tous trois convertis au néo-impressionnisme.

Images
Osman Hamdy Bey
Vieil homme devant des tombeaux d'enfants, 1903
Musée d'Orsay
Mode d'acquisition inconnu, s.d.
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Théo Van Rysselberghe
L'Homme à la barre, 1892
Musée d'Orsay
Donation sous réserve d'usufruit Ginette Signac, 1976
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Sylvie Chan-Liat
Anna Boch
Cueillette, 1890
Musée d'Orsay
© Musée d’Orsay, dist. GrandPalaisRmn / Sophie Crépy
Georges Lemmen
Plage à Heist, 1891
Musée d'Orsay
Achat, 1987
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Sylvie Chan-Liat
Georges Lemmen
Au lit, vers 1900
Musée d'Orsay
Achat, 1984
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Les peintres étrangers n’étaient pas seulement attirés par le dynamisme et le rayonnement de la capitale française. Certains séjournèrent dans le village de Barbizon et ses alentours, ou bien à Pont-Aven, en Bretagne. Dans les salles consacrées à cette colonie artistique, un portrait récemment acquis de l’Irlandais Roderic O’Conor, Garçon breton de profil, rappelle le caractère international de celle-ci. Nous avions aussi exposé dans ces salles de manière temporaire en raison de la fragilité des œuvres sur papier un pastel réalisé par Mela Muter, d’origine polonaise et qui travaillait régulièrement en Bretagne.

 

Roderic O'Conor
Garçon breton de profil, 1893
Musée d'Orsay
Achat, 2021
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Mela Muter
Une vieille bretonne, 1907
Musée d'Orsay
Don du Cercle de femmes mécènes de la Société des Amis des musées d'Orsay et de l'Orangerie grâce au soutien de Monsieur Marek Roefler, 2024
© Musée d’Orsay, dist. GrandPalaisRmn / Sophie Crépy

Formé à la fin des années 1880, le groupe des Nabis a également compté des membres d’origine étrangère, en particulier Félix Vallotton, né à Lausanne, en Suisse et naturalisé Français (comme son contemporain originaire de la même ville vaudoise, Théophile-Alexandre Steinlen) bien représenté dans les collections du musée. Il est intéressant de voir que les nationalités sont des notions souvent subjectives : au Kunsthaus de Zurich par exemple, Vallotton est exposé avec les artistes français et non dans les salles dévolues à la peinture suisse, alors qu’à Lausanne, il est considéré comme un des fleurons de la peinture suisse. Certains artistes d’origine étrangère ont créé les emblèmes du Paris fin-de-siècle, tel Steinlen avec sa fameuse affiche du Chat noir pour le cabaret du même nom à Montmartre, que les visiteurs peuvent voir en ce moment dans l’exposition L’Art est dans la rue.

Les artistes étrangers occupent par ailleurs une très large place dans les salles consacrées au naturalisme, au symbolisme et à l’Art nouveau (médian Seine et pavillon Amont), car elles évoquent les différents centres et les grandes personnalités de ces courants transnationaux. En peinture, on y trouve notamment Marie Bashkirseff (née en Ukraine, alors partie de l’Empire russe), présente par un tableau très souvent demandé en prêt (Un meeting), Fanny Brate (Suède), Edward Burne-Jones (Angleterre), Albert Edelfelt (Finlande), Léon Frédéric (Belgique), Akseli Gallen-Kallela (Finlande), Fernand Khnopff (Belgique), Angelo Morbelli (Italie), Joaquin Sorolla (Espagne) et Franz von Stuck (Allemagne). Une salle (57) est dédiée à la peinture nord-américaine. 

Images
Marie Bashkirtseff
Un meeting, 1884
Musée d'Orsay
Achat, 1885
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Edward Burne-Jones
Princesse Sabra, 1865
Musée d'Orsay
Don Edmund Davis, 1915
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Albert Edelfelt
Service divin au bord de la mer, 1881
Musée d'Orsay
Achat au Salon, 1882
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Stéphane Maréchalle
Léon Frédéric
Enfant dans les ronces, 1891
Musée d'Orsay
Don de la société des Amis des musées d'Orsay et de l'Orangerie, 2021
© © Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt / Patrice Schmidt
Akseli Gallen-Kallela, Suomen Kasityon Ystavat
Flamme [Liekki-ryijy], vers 1906
Musée d'Orsay
Achat, 2006
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Fernand Khnopff
Portrait de Marie Monnom, 1887
Musée d'Orsay
Achat, 1982
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Angelo Morbelli
Jour de fête à l'hospice Trivulzio à Milan, 1892
Musée d'Orsay
Achat à Angelo Morbelli, 1900
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Franz von Stuck
Ludwig van Beethoven, 1900
Musée d'Orsay
Don de la société des Amis du musée d'Orsay, 1992
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Dans les espaces où sont exposés les objets d’art, certains tableaux rappellent que leurs auteurs ont rêvé d’abolir les frontières entre beaux-arts et arts appliqués, une ambition caractéristique de l’Art nouveau. Tel est le cas des panneaux décoratifs du Belge Georges de Feure et des œuvres du Suédois Gustav Fjaestad, dont un fauteuil sculpté entre en résonnance avec la toile Arbres gelés au crépuscule

Images
Georges de Feure
La Verrerie (Panneau pour le pavillon Bing), 1900
Musée d'Orsay
2023, Don de la Société des Amis des musées d'Orsay et de l'Orangerie
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Sophie Crépy
Georges de Feure
Peinture décorative pour le pavillon "L'Art Nouveau Bing" : allégorie d'un art appliqué, 1900
Musée d'Orsay
Don société des Amis du musée d'Orsay, 2015
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Gustaf Fjaestad
Arbres gelés au crépuscule, 1913
Musée d'Orsay
Don de la société des Amis du musée d'Orsay, 2018
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Gustaf Fjaestad
Fauteuil, vers 1900
Musée d'Orsay
Achat, 2014
© droits réservés

Figures et paysages 

Le nouvel accrochage proposé dans la salle 69 repose sur des principes différents. En effet, le choix des artistes n’est pas lié à leur appartenance historique à un groupe ou à un mouvement, même si la plupart se rattachent à la mouvance symboliste. Il s’agit d’ouvrir un libre dialogue entre des peintres français et étrangers ayant pour point commun d’avoir mené des recherches formelles novatrices au tournant du XIXe et du XXe siècles. La salle 69 se subdivisant en deux grands espaces contigus, deux sujets ont été retenus, la figure et le paysage, pour donner une certaine unité à l’ensemble.

Couleurs de paysages

Dans la salle dédiée au paysage, l’accrochage s’est organisé par couleurs, des roses de l’aube aux bleus violacés de la nuit, en passant par le blanc de la neige et des nuages. Ce qui rapproche les œuvres présentées, c’est la volonté de dépasser les acquis de l’impressionnisme (clarté de la palette, franchise de la touche) pour renouveler la manière de représenter la nature. Le paysage observé peut être un support sur lequel se projettent les émotions du peintre, chez Edvard Munch (Nuit d’été à Aasgaarstrand, 1904) ou chez August Strindberg (Vague VII, entre 1900 et 1901). Il peut aussi faire l’objet d’une synthèse : le ciel, l’eau, les reliefs et la végétation deviennent alors des éléments plastiques d’une composition qui tend vers une forme d’abstraction. 

Images
Edvard Munch
Nuit d'été à Aagaardstrand, 1904
Musée d'Orsay
Achat, 1986
© Musée d’Orsay, dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt
August Strindberg
Vague VII, entre 1900 et 1901
Musée d'Orsay
Achat en vente publique, 1981
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

La Pointe d’Andey, vallée de l’Arve de Ferdinand Hodler (1909) est ainsi construit comme une surface puissamment décorative. Crépuscule de Charles Guilloux (1892) joue sur l’association de silhouettes qui se découpent en aplats de couleurs douces : arbres, nuages et reflets sont tous ramenés sur le même plan. 

Ferdinand Hodler
La pointe d'Andey, vallée de l'Arve (Haute-Savoie), 1909
Musée d'Orsay
Achat, 1987
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Charles Guilloux
Crépuscule, 1892
Musée d'Orsay
Achat, 2007
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Chacune à leur façon, ces deux œuvres témoignent de l’apport des estampes japonaises, qui remit en cause l’art du modelé et la perspective traditionnelle hérités de la Renaissance. Leur influence se remarque également chez la plupart des artistes présentés, comme en témoigne par exemple l’arbre rose qui barre le premier plan du Paysage à Hyvinkää, Finlande, d’Helena Schjerfbeck (1914).

 

Helena Schjerfbeck, Paysage à Hyvinkää, Finlande
Helena Schjerfbeck
Paysage à Hyvinkää, Finlande, 1914
Musée d'Orsay
Achat, 2022
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Sophie Crépy

 

À travers le paysage, la représentation de l’espace et de la lumière devient plus largement le sujet de la peinture.

Sérénité d’Auguste Baud-Bovy (vers 1896) et Vue de Capolago de Giovanni Giacometti (vers 1907) matérialisent ainsi le rayonnement du soleil sur la toile. Tandis que le premier le représente avec une touche impalpable, comme une irradiation surnaturelle, le second le transcrit par de lourdes hachures qui viennent zébrer la montagne. L’histoire et ses drames apparaît à travers deux tableaux de Félix Vallotton peints pendant la Grande Guerre, qui mettra fin à ce cosmopolitisme de la Belle Époque avec la tragique exacerbation des nationalismes dans les années 30.  

Auguste Baud-Bovy
Sérénité, vers 1896
Musée d'Orsay
Don Auguste Baud-Bovy, 1898
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Giovanni Giacometti
Vue de Capolago, vers 1907
Musée d'Orsay
Achat, 1997
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

La figure

La salle consacrée à la figure – et non au portrait stricto sensu, car les œuvres exposées remettent en cause les frontières entre portrait, scène d’intérieur, tableau de genre etc. - s’organise en plusieurs pôles. Au centre du mur principal, face à l’entrée, est accroché le tableau Les Aquarelles d’Alix d’Anethan (1888), à qui nous tenions à donner une place centrale. Il s’agit d’une composition montrant des jeunes femmes regardant des aquarelles dans l’atelier d’une de leurs consœurs. Cette œuvre vient d’entrer dans les collections grâce à la générosité de la SAMO, qui appuie beaucoup notre souhait d’acquérir davantage d’œuvres importantes d’artistes femmes jusque-là absentes des collections. 

 

Alix (baronne) D'Anethan, Les Aquarelles
Alix (baronne) D'Anethan
Les Aquarelles
Don de la Société des Amis des musées d'Orsay et de l'Orangerie (SAMO) acquis auprès de la galerie Ary Jan, 2025
© Musée d’Orsay, dist. GrandPalaisRmn / Sophie Crépy

 

A cette œuvre répond, au fond de la salle, Hommage à Cézanne de Maurice Denis (1900), toile monumentale mettant en scène un groupe de peintres autour de l’artiste aixois et d’une de ses œuvres. La réunion de femmes artistes vêtues de blanc autour d’aquarelles, considérées alors comme un genre mineur associé à une pratique amateur pour femmes de bonnes familles, dialogue dans la salle avec la réunion d’hommes en noir autour d’une peinture. Mais au moyen des Aquarelles, Alix d’Anethan crée également une forme de manifeste artistique pour la professionnalisation des artistes femmes et leur accès au grand genre puisqu’elle-même n’a jamais peint d’aquarelles et réalise ici un tableau de figures, de grand format, à la peinture à l’huile. Alix d’Anethan a toujours été associée soit à son professeur, Alfred Stevens, soit à son mentor, Pierre Puvis de Chavannes, et il nous semblait intéressant de la libérer de ces associations à des « maîtres » et de mettre en valeur le sujet de son tableau en le faisant dialoguer de manière inattendue avec Maurice Denis.

Un accrochage est toujours quelque chose de très concret, qui dépend de la présence matérielle des œuvres. Ainsi, nous souhaitions initialement exposer Les Aquarelles avec Marie Monnom de Fernand Khnopff (1887), compatriote d’Alix d’Anethan, tableau réalisé presque au même moment et dans une palette et un cadrage comparables, mais la réalité physique des œuvres, la différence d’échelle entre elles nous a amenées à trouver d’autres rapprochements. L’histoire des femmes est encore un continent en cours d’exploration, tributaire des recherches de plus en plus nombreuses sur le sujet, et nous aimerions pouvoir associer davantage les actrices et acteurs de l’histoire de l’art qui contribuent à faire redécouvrir le travail et le parcours de femmes artistes du XIXème siècle.
 

Fernand Khnopff, Portrait de Marie Monnom
Fernand Khnopff
Portrait de Marie Monnom, 1887
Musée d'Orsay
Achat, 1982
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

 Dans le cas de cet accrochage, nous remercions ainsi Audrey Broché, qui a soutenu en Belgique le premier mémoire monographique sur l’artiste en 2024, ainsi qu’Ewa Bobrowska, historienne de l’art spécialiste d’Olga Boznanska, qui a été associée à l’écriture du texte sur cette peintre franco-polonaise exposée également dans la salle.

 

L’accrochage confronte également deux autres œuvres nabies, Autoportrait octogonal de Vuillard et Intérieur, femme en bleu fouillant dans une armoire, de Félix Vallotton (1903), à deux portraits de Ferdinand Hodler (Mathias Morhardt ; Madame Valentine Godé-Darel malade).

Edouard Vuillard
Autoportrait octogonal, vers 1890
Musée d'Orsay
Dation, 2015
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Félix Vallotton
Intérieur, femme en bleu fouillant dans une armoire, 1903
Musée d'Orsay
Achat avec participation de Philippe Meyer, 1997
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Ferdinand Hodler
Portrait de Mathias Morhardt, 1913
Musée d'Orsay
Achat en vente publique, 2018
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Ferdinand Hodler
Madame Valentine Godé-Darel malade, 1914
Musée d'Orsay
Achat, 1935
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Parmi les autres portraits, Eugène Carrière occupe une place de choix avec un tableau représentant sa famille, traité en camaïeu de bruns fondus. Un artiste important en son temps et qui est aussi beaucoup regardé par les nouvelles générations de peintres d’aujourd’hui, comme Nathanaëlle Herbelin exposée l’an dernier au musée d’Orsay. Sur le plan plastique, le sfumato de Carrière est aux antipodes des couleurs stridentes de Vuillard et du graphisme incisif d’Hodler. Ces œuvres communient cependant dans le refus de tout apparat et dans la recherche d’une intimité avec le modèle.

Eugène Carrière
La famille du peintre, 1893
Musée d'Orsay
Achat à Eugène Carrière, 1897
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Cette impression de proximité émane également des portraits d’Olga Boznanska, peintre franco-polonaise qui a été souvent comparée de son vivant à Eugène Carrière. À l’occasion du 160e anniversaire de sa naissance (elle est née le 15 avril 1865), elle est mise à l’honneur à travers trois toiles acquises au début du XXe siècle pour le musée du Luxembourg (cf article dédié à cette présentation). Nous remercions Ewa Bobrowska, historienne de l’art spécialiste de l’artiste, de nous avoir signalé cet anniversaire et pour avoir largement contribué à la rédaction du texte de présentation associé à ces trois tableaux. 

Images
Olga Boznanska
Portrait de Madame D... (recto) ; Portrait de femme (verso), 1913
Musée d'Orsay
Achat à Olga Boznanska, 1913
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Olga Boznanska
Portrait de jeune dame, 1903
Musée d'Orsay
Achat à Olga Boznanska, 1904
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Olga Boznanska
Jeune femme en blanc, 1912
Musée d'Orsay
Achat à Olga Boznanska, 1912
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Jean-Pierre Lagiewski

Cette présentation s’inscrit dans la volonté du musée d’Orsay d’accroître et d’enrichir la représentation des artistes femmes sur ses cimaises, d’aborder les problématiques de genre et de faire dialoguer leurs œuvres d’égales à égales avec celles de leurs collègues masculins. Ainsi Boznanska est maintenant réunie avec Vuillard, un artiste qu’elle appréciait beaucoup et regrettait de ne pas avoir connu personnellement, ainsi qu’avec « Béatrice How, avec laquelle elle exposait, et Aman-Jean qu'elle a bien connu » (Ewa Bobrowska).

 

Beatrice How
Jean et l'orange, vers 1913
Musée d'Orsay
Achat à Beatrice How au Salon de la Société nationale des beaux-arts, 1913
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Edmond Aman-Jean
Thadée-Caroline Jacquet, vers 1892
Musée d'Orsay
Achat à Edmond Aman-Jean au Salon de la Société nationale des beaux-arts, 1892
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Tony Querrec

Outre la Finlandaise Helena Schjerfbeck dans la section sur le paysage, et la Belge Alix d’Anethan, l’Irlandaise Edyh Starkye Rackham et l’Anglaise Beatrice How figurent également dans cette première sélection.

Beatrice How exposait avec Olga Boznanska et partage avec elle une palette claire, dominée par les blancs et un sens de la synthèse. Voyageant en Bretagne, elle s’est intéressée au métier de nourrice (Jean et l’orange, vers 1913), sujet qui a également inspiré notamment Berthe Morisot. D’Edyth Starkye Rackham, nous montrons le seul tableau d’elle dans les collections, anciennement intitulé Portrait de femme et renommé La robe à pois selon l’expertise de nos collègues irlandais et les étiquettes au dos du tableau. On a oublié jusqu’au nom de certaines peintres, telle Edyth Starkye qui était identifiée comme Edith Rackham alors que la signature autographe visible indique « Edyth Starkie Rackham ». Nous lui avons redonné son nom d’artiste, qui conserve son nom de jeune fille, et pas uniquement celui de son célèbre époux, le dessinateur Arthur Rackham connu notamment pour ses illustrations d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.

 

Edith Rackham
Portrait de femme, entre 1867 et 1939
Musée d'Orsay
Don Edmund Davis, 1915
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

L’accrochage de la salle 69 évoluera au fil des départs et retours de prêt et des acquisitions. Dans le cadre du parcours « 100 œuvres racontent le Climat », deux œuvres graphiques sont aussi présentées temporairement avec les peintures dans la salle consacrée au paysage : Pax du Suédois Carl Johann Forsberg, aquarelle acquise en 2022, et un pastel de Claude Monet, Le Pont de Waterloo à Londres, exceptionnellement exposé.

Carl Johan Forsberg
Pax, 1905
Musée d'Orsay
Achat, 2022
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Sophie Crépy
Claude Monet
Le pont de Waterloo à Londres, vers 1899
Musée d'Orsay
Legs sous réserve d’usufruit Mme la baronne Eva Gebhard-Gourgaud, 1965
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Gérard Blot

Ces accrochages permettent de montrer les spécificités nationales (peinture de la montagne suisse, des forêts de bouleaux scandinaves…) mais, davantage, de montrer les dialogues entre artistes, au-delà de leurs nationalités, de tisser des liens entre les œuvres au-delà de leurs appartenances à un mouvement artistique, de souligner la dimension multiculturelle et cosmopolite de la création au tournant du XXème siècle, et de donner une place à des artistes femmes dont les œuvres ne s’inscrivent à l’époque que rarement dans la logique des « ismes » et des avant-gardes.