Acquisition · La Communiante de Jules Bastien-Lepage (1848 - 1884)

Jules Bastien-Lepage (Damvillers 1848 - Paris 1884)
La Communiante, après 1878
© Ader

Préempté en salle des ventes le 27 mai 2025, le tableau intitulé La Communiante de Jules Bastien-Lepage, huile sur toile réalisée après 1878, rejoint les collections du musée d'Orsay. Cette peinture représente sa cousine et filleule Lucie, alors âgée de douze ans, saisie dans la solennité de sa Première Communion. À la fois portrait et scène de genre, l’œuvre évoque un rite religieux autant qu’un événement social au XIXe siècle. Cette œuvre enrichit les collections naturalistes du musée et renforce la présence de cet artiste majeur du mouvement qui, en une dizaine d’années d’activité, a conquis une place éminente sur la scène artistique française et internationale.

Corps de texte

Jules Bastien-Lepage présente au Salon de 1875 La Communiante, demi-figure de sa cousine et filleule Lucie. Les critiques, hésitant entre portrait et scène de genre, louent la « fine observation » et le « très léger frottis » qui rendent la fillette « infiniment vivante ». L’œuvre existe en deux exemplaires. L’une est achetée dès 1875 par le mécène belge Henri Van Cutsem (1839 - 1904) puis léguée en 1904 au musée de Tournai, en Belgique. L’autre, celle préemptée par le musée d’Orsay, est peinte à la demande de la famille pour remplacer l’original ; une lettre du 21 février 1878 indique qu’elle est postérieure à cette date, bien que l’artiste ait conservé la signature « 75 Paris ». Restée chez ses descendants, elle porte la dédicace affectueuse de l’artiste : « Bon souvenir à ma petite Lucie ».

Lucie est représentée assise, de face, le buste rigide ; la frontalité sévère, proche des icônes byzantines, confère à la scène une solennité silencieuse. Sa robe de mousseline blanche, son voile et sa couronne sont peints avec une minutie de miniaturiste, tandis que les étoffes ordonnent la composition. La gamme blanche et gris-bleutée rappelle la Symphonie en blanc n°1 de James Abbott McNeill Whistler (1843 - 1903). Bastien-Lepage y conjugue archaïsme et modernité, préfigurant son Portrait de Sarah Bernhardt (1878-1879). Le décor réduit à un aplat gris-violet sans ombre isole la figure et accentue l’allure photographique ; la communion était alors souvent, pour les familles modestes, la seule occasion d’un portrait photographique. Plusieurs études au crayon – l’une d’elles conservée au Metropolitan Museum – témoignent d’une préparation méticuleuse, et l’historien de l’art américain Gabriel P. Weisberg avance que l’artiste aurait pu s’appuyer sur la photographie pour réaliser ces esquisses.

Qui est Jules Bastien-Lepage ?

Jules Bastien-Lepage (1848 - 1884) naît à Damvillers, dans une famille de petits propriétaires terriens. Après le collège de Verdun, il entre à l’École des beaux-arts de Paris chez Alexandre Cabanel (1823 - 1889). L’échec de justesse au Prix de Rome de 1875 l’incite à s’éloigner du modèle académique et à se tourner vers un réalisme attentif à la vie paysanne. Le succès du Portrait du grand-père de l’artiste au Salon de 1874, salué pour sa composition dépouillée et sa précision quasi photographique, attire les commandes. Médaillé à l’Exposition universelle de 1878 pour Les Foins, il devient le chef de file du naturalisme européen. Émile Zola (1840 - 1902) voit en lui « l’impressionnisme corrigé, adouci, mis à la portée de la foule ». Mais sa carrière fulgurante s’interrompt brutalement : l’artiste meurt d’une maladie en décembre 1884, à trente-six ans.

Images
Jules Bastien-Lepage (Damvillers 1848 - Paris 1884)
La Communiante, après 1878
© Ader
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