La Semeuse
Cette Semeuse est une figure familière des Français : elle a figuré sur les pièces de cinquante centimes, d'un, de deux et de cinq francs jusqu'en 2001, avant d'être reprise dans une version stylisée sur les pièces de dix, vingt et cinquante centimes d'euro. Son origine est ancienne puisqu'elle remonte à 1887. Cette année-là, Roty conçoit une médaille de récompense pour le ministère de l'Agriculture, mais le projet demeure sans suite. Or, en 1896, quand le ministre des Finances commande de nouvelles pièces, Roty fait partie des artistes choisis. Il reprend la Semeuse de 1887, mais transforme sa robuste paysanne en une svelte Marianne coiffée d'un bonnet phrygien. Le traditionnel profil de la République est abandonné pour une figure en pied plus active.
Cette effigie suscite de violentes polémiques. Les journaux se déchaînent : "Que sème-t-elle, cette femme dont le bonnet phrygien dit assez la qualité ? Elle sème le désordre, l'anarchie, l'ivraie, la haine de mensonge et d'immoralité" (Le Moniteur, 28 février 1897). L'allégorie est pourtant claire : "Ces semences qu'elle jette généreusement à la terre sont les innombrables idées qui peut-être un jour germeront et lèveront, lorsque nous n'y seront plus" (La Liberté, 8 octobre 1898). Le geste est en effet plus symbolique que réaliste, car on ne sème pas contre le vent.
La Semeuse sert à l'origine pour les pièces de cinquante centimes à deux francs mises en service en 1897 et 1898, avant de gagner le timbre-poste en 1903. Elle devient ainsi l'oeuvre d'art la plus diffusée de France. Même si la collection de médailles du musée d'Orsay n'a pas vocation à accueillir des monnaies, cette cire préparatoire sur ardoise, caractéristique de la technique d'un graveur en médailles et qui témoigne de la virtuosité de Roty, est l'un de ses fleurons.