Portrait de Madame M.

Henri Rousseau
Portrait de Madame M.
vers 1896
huile sur toile
H. 198,0 ; L. 114,5 cm.
Donation baronne Eva Gebhard-Gourgaud, 1965
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / DR
Henri Rousseau (1844 - 1910)
20, Salle 8 Les Arts à Paris
Parmi le grand nombre de portraits peints par Rousseau, il est rare d'en trouver en pied et d'un tel format. Il en existe cependant un autre qui a appartenu à Pablo Picasso (Paris, musée Picasso). Celui du musée d'Orsay témoigne de beaucoup plus d'aisance dans la conception et la mise en page, et de plus de soin dans l'exécution. Bien que l'identité du modèle demeure incertaine, il pourrait s'agir d'une commande, et l'on sait que Rousseau les exécute avec d'autant plus de soin qu'il est mieux payé. Les manches bouffantes, dites "Médicis", très à la mode vers 1895 permettent de dater de tableau. Les bracelets, l'ombrelle à la poignée élégante, la fine écharpe autour du cou, nous indiquent que le modèle appartient vraisemblablement à la bourgeoisie.
Ici, les lois traditionnelles de la perspective disparaissent. Les couleurs douces et raffinées, le dessin net et la luminosité des formes évoquent un monde de richesses et de clarté. Le visage est moins figé qu'à l'accoutumée. Rousseau a réduit l'importance de la tête en diminuant l'ampleur donnée aux cheveux (le repentir est visible). La dissymétrie des bras, la position du pied gauche en avant, créent une légère animation. L'écrin de verdure, dans lequel on aperçoit un chat jouant avec une pelote, contribue aussi à atténuer la raideur de ce portrait, tout en mettant en avant les masses noires de la robe et de l'ombrelle. Le modèle est entouré d'arbustes et de fleurs d'essences variées, trop stylisés pour en permettre l'identification. Une exception cependant pour les pensées placées à l'avant, que l'on voit mises en évidence dans plusieurs tableaux.
Avec cette oeuvre, Rousseau semble vouloir rivaliser, au moins inconsciemment, avec les effigies mondaines du Salon ou avec les grands portraits flamands du XVIIe siècle. Mais il demeure avant tout fidèle à un style et un univers qui lui sont propres.