Une vieille Bretonne est le portrait d’une femme du peuple, âgée, cadrée en gros plan, de face, dans un format horizontal qui donne une importance particulière au paysage. Le dessin, au fusain et pastels bleus et verts, est d’un trait appuyé et très visible. Le contour et les plis du visage, tout comme les falaises et la découpe entre verdure et roche sont nettement marqués. L’artiste utilise une gamme de couleurs restreinte et joue sur les complémentaires : rouge et vert, bleu et orange, rehaussés par des blancs et des gris. La femme et le paysage entrent en résonance : le visage et le paysage sont mis sur le même plan, sans perspective illusionniste. Muter transmet l’expression du poids du temps et des souffrances de la vie sur le visage rude et les yeux aveugles de cette femme. Le point de vue légèrement surplombant, caractéristique de l’artiste, accentue l’impression d’enracinement de la vieille Bretonne dans le paysage âpre et rugueux de sa Bretagne, avec lequel elle fait corps. Ce pastel échappe à toute tentative d’inscription dans un mouvement. Il est à la fois réaliste, sans aucune idéalisation du visage buriné par la vie, et symboliste, avec les échos rythmiques et mélodiques entre le portrait et le paysage, ainsi qu’expressionniste, avec l’accentuation stylisée des marques du temps tant sur la peau que sur la terre.
Qui est Mela muter ?

Mela Muter, 1916
Musée d'Orsay
Don Jean Bersier et de Edmond Lebée, en souvenir de M. et Mme R.X. Prinet, 1959
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
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Artiste franco-polonaise, Mela Muter s’installe à Paris en 1901. Elle s’inscrit à l’académie Colarossi puis à celle de la Grande Chaumière et devient une personnalité importante de l’École de Paris. À partir de 1902, elle expose au Salon des beaux-arts de Paris et participe pour la première fois au Salon d’automne et au Salon des indépendants en 1905, où elle est remarquée par le marchand d'art Ambroise Vollard (1866 - 1939). D’abord proche du symbolisme, sa peinture évolue rapidement vers une touche expressionniste et des couleurs vives, laissant transparaitre son intérêt pour l'art de Vincent van Gogh (1853 - 1890), Paul Cézanne (1839 - 1906) et Édouard Vuillard (1868 - 1940). Ses nombreux séjours en Bretagne la familiarisent avec l’École de Pont-Aven. En 1901, elle visite Concarneau où elle fait la connaissance des peintres Charles Henry Fromuth (1833 - 1937) et Fritz Thaulow (1847 - 1906) ainsi que d’Auguste Rodin (1840 - 1917). Tombée amoureuse de cette terre, elle y retourne régulièrement jusqu’en 1918, prenant les Bretons, en particulier les miséreux, vieillards, infirmes, mères épuisées, enfants pauvres comme sujets. Elle peint leur portrait à la manière expressionniste qui rappelle celle d’Egon Schiele (1890 - 1918), trouvant la beauté dans la laideur, mêlant un dessin vif et intense à des couleurs à la fois sourdes et éclatantes.
Cette œuvre a été acquise grâce au soutien de Monsieur Marek Roefler par l’intermédiaire du Cercle de Femmes Mécènes de la Société des Amis des musées d’Orsay et de l’Orangerie.