« En 2023, je me suis rendue en Norvège afin de procéder à une reconstitution vivante de dix-sept de ses toiles. En m’immisçant dans ses mises en scène par le biais de ma caméra vidéo, je suis devenue Harriet la peintre. Harriet sachant, de toute évidence, prendre pour peintre le temps qu’il fallait, j’ai travaillé sans hâte. Comme Harriet au moyen de ses pinceaux, j’esquisse, au moyen de mon objectif, les contours d’un visage de femme ou l’éclat passager d’un pied dans l’herbe. Émergeant de la pénombre, une pile de lettres enrubannée de rose évoque les délicats clairs obscurs d’Harriet. J’insuffle des mouvements presque imperceptibles dans son monde immobile et patient : mains essorant le linge en plein soleil ; doigts effectuant des travaux de couture dans la lumière déclinante de l’après-midi ; femme qui regarde par la fenêtre en caressant des doigts la dentelle d’un rideau. L’accentuation du passage du temps par la vidéo imprègne l’immuabilité des toiles, révélant la sensualité de certains détails, amplifiant des gestes discrets, des sons à peine audibles. Ancré dans la tradition du slow cinema, et associant mouvement, rythme et nuances, cette dramaturgie introspective nous entraine dans l’intimité d’Harriet et dévoile des émotions cachées. La fascination se substituant à l’impatience, nous renonçons à notre agitation. »
Sandra Binion