« Je photo »
Gabrielle Hébert, première chroniqueuse de la Villa Médicis et… de l’amour fou
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Brindisi : foule sur le port, 1893
Collection Musée Hébert - Musée d'Orsay
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt
L’exposition « Qui a peur des femmes photographes ? (1839-1945) » présentée en 2015 aux musées d’Orsay et de l’Orangerie a fait date pour la reconnaissance des femmes artistes en France. Parmi les nombreuses photographes dévoilées figurait Gabrielle Hébert (1853, Dresde, Allemagne - 1934, La Tronche, France). Née Gabriele von Uckermann, celle qui fut peintre amateure avant d’épouser en 1880 Ernest Hébert, artiste académique renommé et deux fois directeur de l’Académie de France à Rome, eut une pratique intensive et exaltée de la photographie, démarrée à la Villa Médicis en 1888 et terminée vingt ans plus tard à la Tronche (près de Grenoble) à la mort de l’homme qu’elle idolâtrait, son aîné de près de quarante ans, et dont elle a en grande partie assuré la postérité en favorisant la création de deux musées monographiques.
À la fin du XIXe siècle, entre la France et l’Italie, à l’instar de nombreux artistes et écrivains (tels Henri Rivière, Pierre Bonnard, Maurice Denis ou Émile Zola) qui s’emparent d’un boitier pour enregistrer leur quotidien et celui de leurs proches, Gabrielle Hébert a une pratique privée et sentimentale de la photographie, favorisée par la révolution technique et esthétique permise par l’instantané. À la Villa Médicis, en tant qu’épouse du directeur, elle organise les réceptions et reçoit le gotha en visite. Vite, elle échappe cependant aux assignations et acquiert pour elle un appareil photographique, prend quelques leçons auprès d’un professionnel romain et installe, en compagnie d’un pensionnaire du même âge qu’elle, une chambre noire pour développer ses négatifs, tirer et retoucher ses épreuves. C’est le début d’une très volumineuse production de clichés, qu’elle consigne dans ses agendas. Pas un jour ou presque sans prise de vue ; ceux-ci sont parsemés de mentions qui indiquent son action de photographier : « Je photo…. Je photographie… ».
Si Gabrielle Hébert partage son goût du portrait mondain et du tableau vivant avec les frères Luigi et Giuseppe Primoli, neveux de la Princesse Mathilde Bonaparte et pionniers de la photographie instantanée en Italie, elle explore en solo dans la Villa Médicis tous les genres de la photographie : nu, reproduction d’œuvres d’art, paysage, nature morte, « récréations photographiques »... Offrant le point de vue d’une personne installée à demeure qui regarde, éblouie, le palais, le site et ses habitants (pensionnaires, employés, modèles, chiens et chats) depuis l’intérieur et à toutes les saisons, sa production révèle un pan totalement méconnu de la vie dans ce phalanstère artistique. Son journal en images est en effet le premier proto-reportage sur le quotidien de l’institution, autant espace de résidence, de formation et de création des lauréats du Grand Prix de Rome (dont de nombreuses œuvres sont aujourd’hui conservées par le musée d’Orsay) que laboratoire d’une nouvelle relation politique entre la France et l’Italie, tout juste « unifiée » (1861) et dont Rome est devenue capitale en 1871. Il constitueaussi un témoignage inédit sur l’un des premiers couples de créateurs à la Villa Médicis. Si Gabrielle assiste Ernest dans ses activités d’artiste en posant pour lui, en préparant ses toiles, en retouchant ses peintures, voire en les copiant, Ernest, lui, est le point de mire de la photographe. Renversant les stéréotypes de genre, elle le regarde obsessionnellement et le saisit sans répit. Séances de pose avec les modèles, progression des peintures, moments de convivialité avec les visiteurs, interactions avec les pensionnaires, mais également promenades dans la campagne romaine, baignades au bord de la mer ou encore solitude au bureau : tous les aspects de la vie d’Ernest Hébert, artiste, directeur et époux sont scrutés et documentés. Aussi, quand elle rentrera définitivement en France avec lui, Gabrielle cessera de cultiver cette passion photographique, née en Italie et en exil, s’attachant cependant à photographier Hébert jusqu’au bout afin de l’immortaliser par l’image. Avant cela, s’extrayant du huis-clos formé par le Palais renaissance et ses occupants excentriques, elle réalisera en 1898 son chant du cygne photographique à travers un périple en Espagne, sur laquelle elle pose un regard résolument moderne, nourri par le cinéma naissant.
Cette exposition chrono-thématique, des débuts photographiques (1888) de Gabrielle Hébert à ses dernières images (1908), aura pour ambition de présenter ce qu’elle a fait de la photographie et ce que la photographie a fait d’elle. Grâce à ses images, qu’elle partage et échange avec ses proches, cette femme s’assure une place d’auteure et un statut social dans un milieu où la création artistique est réservée aux hommes. Mais plus que tout, la photographie la révélera à elle-même : à travers le récit d’une géographie et d’une époque particulièrement exceptionnelles, elle inventera en réalité sa propre mythologie. Ce faisant, elle est la première chroniqueuse en photographie de la Villa Médicis, et désormais une figure de l’histoire de ce médium.
Les œuvres exposées seront majoritairement des tirages originaux (de format 9 x 12 cm), ainsi que les albums photographiques confectionnés par GabrielleHébert, ses agendas, des boites de plaques de verre et des appareils de prise de vue qu’elle a utilisés. Des agrandissements réalisés à partir des négatifs non tirés par elle dynamiseront la présentation. Des dessins et des peintures d’Ernest Hébert compléteront le parcours, ainsi que des reliques sentimentales (palette, médaillon, lettres), témoignages d’une histoire d’amour pour un homme et un pays.
- Lundi Fermé
- Mardi 9h30 - 18h00
- Mercredi 9h30 - 18h00
- Jeudi 9h30 - 21h45
- Vendredi 9h30 - 18h00
- Samedi 9h30 - 18h00
- Dimanche 9h30 - 18h00
- Plein tarif horodaté
- 16 €
- Tarif réduit horodaté
- 13 €
-
Enfant & Cie
-
13 €
-
Nocturne
-
12 €
-
- de 18 ans, - de 26 ans résidents EEU
-
Gratuit
Œuvres de l’exposition
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Brindisi : foule sur le port, 1893
Collection Musée Hébert - Musée d'Orsay
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt