Maurice Denis intime, photographies
En 1895, George Eastman le créateur de la firme Kodak avait mis sur le marché le dernier né de ses appareils portables, destinés à ceux qui voulaient garder des souvenirs de leur vie privée mais qui ne savaient pas faire de la photographie et qui n'avaient ni le temps ni le désir d'apprendre : le Pocket Kodak dispensait l'utilisateur de faire poser ses modèles puisque la prise de vue était instantanée et le développement et le tirage en étaient standardisés.
L'appareil, tenant dans la main, permettait une grande liberté dans la mise en page du sujet choisi dont la composition pouvait être décentrée, les figures, coupées. On ne s'étonnera pas que les meilleurs interprètes de cette photographie d'amateurs aient été des peintres familiers de l'estampe japonaise, Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, pour ne nommer qu'eux.
Il n'était pas possible pour l'utilisateur de voir clairement son sujet dans le viseur au moment de la prise de vue mais Maurice Denis a su, en peintre habitué à composer, apprivoiser le hasard et imposer sa vision personnelle dans une technique pourtant aléatoire. L'artiste, en s'approchant le plus possible de son sujet - une tendance que l'on observait déjà dans ses tableaux - obtenait des silhouettes ou des visages flous. Grâce à l'instantané, la photographie se prêtait aisément à la suggestion et à l'évocation poétique chères à toute cette génération d'artistes, de Verlaine, Mallarmé et Debussy à Rodin et à Carrière, auquel on pense irrésistiblement en voyant certaines photographies de Maurice Denis. Si l'on retrouve dans ces dernières le goût du symbole, la simplification des formes et l'harmonie de lignes propres au peintre, en retour, il a attentivement regardé ses photographies et leur a emprunté des motifs qui, sous une forme épurée, sont décelables dans sa peinture.
Exposition organisée en collaboration avec le musée des Beaux-Arts de Montréal
L'exposition est maintenant terminée.
Voir toute la programmation