August Strindberg (1849-1912) peintre et photographe

Vague VII, entre 1900 et 1901
Musée d'Orsay
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
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Autoportrait avec la wunderkamera, 1906
Stockholm, musée Nordique
© musée Nordique
Cette exposition est la première rétrospective monographique consacrée à August Strindberg en France. Présentée tout d'abord au musée national de Stockholm puis au musée d'Etat de Copenhague, elle rassemble environ 130 peintures, photographies, dessins, manuscrits et sculptures de l'artiste permettant de découvrir une grande partie de l'oeuvre d'un créateur d'images véritablement singulier. En marge de sa création littéraire, il s'adonna, par intermittences, à diverses activités plastiques dont la peinture et la photographie.
Image double, 1892
Collection particulière
© Alexis Daflos
La diversité de ces pratiques reflète l'étendue des préoccupations de l'artiste. En effet, il est difficile de trouver un domaine auquel l'écrivain suédois ne se soit pas intéressé. Non content de travailler à renouveler l'art romanesque et dramatique, il voulut donner un nouveau visage aux sciences naturelles, à la manière d'écrire l'histoire, à la philologie et, enfin, aux arts plastiques sur lesquels il écrivit fréquemment. Dans son travail littéraire, il donna aux artistes des rôles de tout premier plan, cet intérêt s'en ressent dans l'écriture elle-même. Déjà, ses contemporains avaient remarqué sa capacité unique à construire des expériences de forme visuelle avec les mots, à bâtir des images grâce à eux. Dans cette optique, la peinture était pour lui un moyen de donner forme à des sensations qu'il ne pouvait manier par le langage alors que la photographie se rapprochait d'un intérêt manifeste envers les tentatives de saisie directe du réel. Ces deux pratiques agissent chez lui comme révélateur d'une réalité que les mots s'avèrent incapables à décrire.
Salicaire, 1892
Collection particulière
© Alexis Daflos
Strindberg n'a peint qu'à certaines périodes de sa vie : de 1872 à 1874, de 1892 à 1894 et pendant quelques années après 1900. Sa pratique photographique connaît, elle aussi, trois phases distinctes : de 1886 à 1888, de 1890-1894, puis de 1905 à 1907. On a souvent avancé qu'il avait recours à la peinture lorsqu'il traversait une crise qui l'empêchait de s'exprimer autrement. Les années après 1900 seront les plus productives sur le plan littéraire.
La Jument blanche II, 1892
Stockholm, musée National
© musée National, Asa Lunden
L'exposition ne montre que quelques rares exemples de la première période picturale de Strindberg, encore timide et hésitante, tandis que les périodes de 1890 et du tournant du siècle sont richement représentées. C'est lors de l'été 1892, passé seul dans un cabanon à Dalarö, dans l'archipel de Stockholm, que l'originalité picturale de Strindberg se manifeste pour la première fois. Il crée une série de toiles puissantes et vigoureuses qui offre peu d'équivalents.
L'observation de la mer et de la nature aride du large de l'archipel y tient une place prépondérante. Mais ces images sont moins à envisager comme des images naturelles, réalistes, que comme des interprétations personnelles et symboliques de ce que Strindberg a vécu : dans l'atmosphère des toiles, la situation évolue, du calme ensoleillé au chaos obscur, le ciel et la mer semblant sur le point de se dissoudre l'un dans l'autre.
Marine, 1894
Stockholm, musée National
© Bodil Karlsson, musée National
Dans les années 1892-1894, période d'intense activité picturale, partagé entre Berlin, Dornach et Paris, Strindberg développe également une théorie de l'art, en relation avec sa peinture qui présage à la fois le surréalisme et l'expressionnisme abstrait du vingtième siècle et dont le texte principal demeure Du hasard dans la production artistique. Dans la construction de l'image, Strindberg abandonne le rôle principal au hasard. La toile devient le lieu de surprises et de rencontres inattendues comme dans Le pays des merveilles peint en 1894 à Dornach, où le paysage forestier donnant sur la mer se mue en grotte souterraine.
Le tableau d'automne jaune, 1901
Collection particulière
© Bernard Bleach Photography
Lorsque Strindberg reprend la peinture à l'orée du vingtième siècle, il vient de traverser la crise la plus aiguë de son existence, celle que l'on a coutume d'appeler la crise d'Inferno. Après de nombreuses années passées à l'étranger, il s'établit enfin à Stockholm. Il revient alors fréquemment au motif de la mer au large de l'archipel et travaille aussi sur des motifs que lui inspirent ses promenades dans les banlieues de Stockholm. Les formats s'agrandissent, sa peinture gagne en amplitude. A une époque où l'activité principale de Strindberg consiste à écrire pour le théâtre, plusieurs de ses toiles en viennent à ressembler à des décors pour ses spectacles.
Le phare III, 1901
Uppsala, Bibliothèque universitaire
© Uppsala, Bibliothèque universitaire
L'activité de Strindberg en tant que photographe répond aux mêmes exigences que son activité picturale: "Je cherche la vérité dans l'art de la photographie, intensément, comme je la cherche dans beaucoup d'autres domaines" écrivait-il.
Cette vérité, il crut d'abord la trouver dans une suite d'autoportraits et de photographies de famille produits dans la petite station thermale suisse de Gersau en 1886, sorte d'écho à ses préoccupations biographiques et autobiographiques. Strindberg y apparaît dans différents rôles : écrivain, père de famille, jardinier et révolutionnaire.
Autoportrait en compagnie des enfants, gersau, 1886
Stockholm, musée Nordique
© musée Nordique
A partir du début des années 1890, sa pratique photographique devient plus expérimentale ; elle se rapproche de ses recherches dans le domaine des sciences naturelles voire même de sa passion pour l'occultisme. La vérité ne réside plus dans la simple reproduction mécanique d'une apparence mais dans la saisie plus intime du "vrai". Entre autres expériences, Strindberg tente de reproduire les étoiles du ciel en laissant tout simplement la plaque photographique reposer sous le ciel nocturne, sans appareil, ni objectif, ni lentilles. Quelques années plus tard, il développe une théorie relative à ce qu'il appelait "le portrait psychologique", des photographies qui laissent apparaître les attributs psychiques du modèle, véritables "photographies de l'âme". "Je me moque de mon apparence, mais je veux que les gens voient mon âme, et elle apparaît dans ces photographies bien mieux que dans beaucoup d'autres" écrit-il alors.