Exposition au musée

Dessins de Jean-François Millet

Du 30 mai au 03 septembre 2006
Jean-François Millet
Portrait de l'artiste par lui-même, vers 1845-1846
Paris, musée d'Orsay, conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre
© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Michèle Bellot
Jean-François Millet-Portrait de l'artiste par lui-même
Jean-François Millet
Portrait de l'artiste par lui-même, vers 1845-1846
Paris, musée d'Orsay, conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre
© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Michèle Bellot

La collection du musée d'Orsay conservée au département des Arts graphiques du musée du Louvre, est le plus important fonds de dessins existant de Jean-François Millet (près de six cent oeuvres).

Jean-François Millet-Buste de femme nue
Jean-François Millet
Buste de femme nue, vers 1849-1850
Paris, musée d'Orsay, conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre
Don Walter Gay, 1913
© PHOTO RMN - THIERRY LE MAGE © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Thierry Le Mage

A la différence d'autres ensembles de référence, notamment américains, largement constitués de belles feuilles destinées aux amateurs - dessins bien "ficelés", écrivait l'artiste -, elle comporte un grand nombre de croquis, études sur nature, premières pensées notées d'un trait rapide sur une feuille de carnet, provenant du fonds d'atelier dispersé dans les ventes après décès de Millet en 1875, puis de sa veuve, en 1894.
Après les achats de l'Etat à la vente de 1875 - quinze dessins -, deux legs majeurs marquent l'histoire de cette collection : celui de Léon Bonnat, en 1922, et d'Etienne Moreau-Nélaton, en 1927. L'accrochage insiste sur cet aspect fondamental des collections et de l'oeuvre graphique.

Jean-François Millet-Berger et troupeau
Charles-François Daubigny
Berger et troupeau, en 1865
Musée des Beaux-Arts, Angers
legs Alfred Chauchard au Louvre,1909; affecté au musée d'Orsay,1986; dépot d'Orsay,2004
© PHOTO RMN - THIERRY LE MAGE © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / DR
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Dès la mort de Millet, certains biographes et critiques ont voulu réfuter l'idée qu'il dessinait d'après nature. Sans doute faut-il y voir la volonté de le distraire radicalement d'une filiation d'artistes qui mènerait de Corot aux impressionnistes, mais aussi de privilégier l'image d'un peintre poétique et spirituel : "Quand il s'en allait à travers champs, il n'emportait que son bâton. Son fils aîné, François [...] nous disait que, pendant vingt-cinq ans, son père n'avait copié que deux arbres d'après nature", écrit Théophile Silvestre.

Jean-François Millet-Feuilles d'études : profil et mains
Jean-François Millet
Feuilles d'études : profil et mains, 1855-1856
Paris, musée d'Orsay, conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre
© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Thierry Le Mage

Si Millet peignait exclusivement en atelier, il est avéré cependant qu'il exécutait des croquis en extérieur, sur le motif, et de nombreux dessins de la collection du musée peuvent être identifiés comme tels, notamment les anciennes pages de carnets. Cette activité s'enracinait dans son profond amour de la nature, notamment de la forêt, que ses lettres laissent parfois jaillir avec un lyrisme sauvage, presque violent.

Jean-François Millet-Croquis en rapport avec La récolte des pommes de terre
Jean-François Millet
Croquis en rapport avec La récolte des pommes de terre, vers 1854
Paris, musée d'Orsay, conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre
© PHOTO RMN - THIERRY LE MAGE © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Thierry Le Mage

Dans les années 1850, alors que ses tableaux sont encore irrégulièrement acceptés et parfois violemment critiqués au Salon, Millet peut compter sur un cercle d'amateurs ou de marchands qui apprécient ses dessins, cercle qui s'élargira dans les années 1860. Il exécute pour eux des oeuvres d'un réalisme poétique moins dérangeant, et infléchit

Jean-François Millet-La petite gardeuse d'oies
Jean-François Millet
La petite gardeuse d'oies, vers 1865
Paris, musée d'Orsay, conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre
© PHOTO RMN - THIERRY LE MAGE © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Thierry Le Mage

sa production vers des thèmes sentimentaux, familiaux, images d'une vie rurale humble, laborieuse et paisible qui trouve un écho dans une certaine nostalgie contemporaine d'une société pré-industrielle, vivant en harmonie avec la nature. Les études et dessins préparatoires à ces compositions, nés de l'observation de la vie rurale à Barbizon, où l'artiste s'installe définitivement à partir de l'été 1849, en retracent la genèse - plus vifs et en prise avec le dessin réaliste contemporain que les compositions achevées.

Jean-François Millet-Projet d'illustration, avec reprise du motif, pour les Idylles de Théocrite
Jean-François Millet
Projet d'illustration, avec reprise du motif, pour les Idylles de Théocrite, vers 1863 ?
Paris, musée d'Orsay, conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre
© PHOTO RMN - THIERRY LE MAGE © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Thierry Le Mage

Les dessins de Millet, s'ils montrent d'étroites relations avec l'oeuvre de ses contemporains, Honoré Daumier ou Théodore Rousseau, témoignent aussi de sa méditation de l'art du passé. L'artiste a cultivé, tout au long de sa carrière, la référence aux grands maîtres, éludée derrière la confession - authentique ou inventée - d'un réalisme naïf rapportée par Alfred Sensier, qui fut son premier biographe :

Jean-François Millet-Etude pour Le fendeur de bois
Jean-François Millet
Etude pour Le fendeur de bois, vers 1852
Paris, musée d'Orsay, conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre
© PHOTO RMN - THIERRY LE MAGE © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Thierry Le Mage

"Vous connaissez mon premier dessin fait au pays, sans maître, sans modèle, sans guide : il est encore là dans mon atelier, je n'ai jamais fait autre chose depuis."Il conservait dans son atelier de Barbizon gravures et photographies d'après les maîtres, et s'en inspirait. Millet n'a jamais renoncé à la peinture d'histoire, même s'il affirmait en 1851 vouloir s'imposer "avec autre chose que des femmes nues et des sujets mythologiques".C'est dans son oeuvre graphique que se lit plus nettement ce projet jamais abandonné, dans les nombreux dessins relatifs à des sujets religieux ou abordant des sujets littéraires pour des projets d'illustrations sur lesquels il n'a cessé de travailler en vain toute sa vie.

Jean-François Millet-Pêcheurs de homards jetant leurs claies, effet de nuit
Jean-François Millet
Pêcheurs de homards jetant leurs claies, effet de nuit, 1857-1860
Paris, musée d'Orsay, conservé au département des Arts graphiques du musée du Louvre
Don Isaac de Camondo, 1911
© PHOTO RMN - THIERRY LE MAGE © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Thierry Le Mage

Les dessins de Millet, comme ses gravures, eurent une grande influence sur la génération des artistes d'avant-garde qui émerge dans les années 1870-1880 - Edgar Degas, Camille Pissarro, Georges Seurat, Paul Gauguin ou Vincent Van Gogh -, mais aussi sur les tenants les plus officiels du naturalisme académique - Jules Breton ou Léon Lhermitte. Cette descendance féconde et en apparence paradoxale reflète la complexité de son oeuvre, où se trouve tout à la fois un réalisme balayant drastiquement toute convention académique, une idéalisation certaine liée à une recherche synthétique de la forme, portant les germes d'une puissante évolution esthétique, et une filiation profonde avec la tradition des grands maîtres.