Gothic Revival : architecture et arts décoratifs de l'Angleterre victorienne
Floriated Ornament, 1849
Collection particulière
© Haslam & Whiteway LTD / DR
Par réaction contre la tradition néo-classique, les architectes et décorateurs anglais ont remis à l'honneur dès les années 1830 l'art des cathédrales gothiques. Ce mouvement qualifié de Gothic Revival qui caractérise toute l'ère victorienne, a connu une ampleur sans équivalent dans les autres pays d'Europe. En plein essor industriel, l'enthousiasme pour l'époque gothique, vue comme une société exemplaire où les arts fleurissaient dans un esprit mystique et fraternel, s'oppose aux effets jugés dégradants du machinisme.
Augustus Pugin (1812-1852) le premier, redécouvre dans l'art gothique le principe d'une union étroite entre l'art, l'artisanat et la technique. Ses principaux traités d'architecture et d'ornementation, tel Floriated Ornament (1849), exerceront une influence durable sur les artistes du mouvement Arts and Crafts. Aujourd'hui encore, les magnifiques décors du Parlement de Londres témoignent de sa virtuosité de décorateur et de coloriste.
Coiffeuse, 1867
Bedford, Cecil Higgins Art Gallery
© The Trustees, The Cecil Higgins Art Gallery, Bedford / DR
William Burges (1827-1881), poursuivant cette démarche, est le seul à réaliser pleinement le rêve d'un Moyen Age recréé : le programme ambitieux qu'il conçoit pour Cardiff Castle donne une image très vivante, haute en couleurs, de cette vision typiquement victorienne.
En Angleterre, le gothique reste le style par excellence dans le domaine religieux. Mais le Gothic Revival s'étend aussi bien aux grands édifices publics et est largement exploité par les grandes manufactures d'art et d'industrie jusqu'aux années 1880. Aux vastes réalisations architecturales de George Gilbert Scott (Foreign Office, 1858-1866), Alfred Waterhouse (Hôtel de ville de Manchester, 1867-1877) et G.E. Street (Law Courts, 1867-1882), qui s'imposent non sans d'âpres débats, répondent les multiples modèles d'ameublement de J.P. Seddon (1827-1906), Bruce Talbert (1838-1881), où formes et ornements découpés suivant des schémas géométriques se prêtent parfaitement à une large diffusion commerciale. Les caractéristiques du style gothique s'apparentent aussi fortement à l'architecture de la nature et inspirent à Christopher Dresser (1834-1904) d'étonnantes compositions ornementales d'une vigoureuse stylisation.
Assiette à pain, vers 1849
Collection particulière
© Haslam & Whiteway LTD / DR
C'est une tout autre leçon que William Morris (1834-1896) tire de l'exemple médiéval : suivant les idéaux défendus par Carlisle et Ruskin, il veut réhabiliter le travail humble de l'artisan. Dès 1861, il assume pleinement le rôle de décorateur en fondant la firme Morris, Marshall, Faulkner and Co, et devient, par son engagement personnel, le chef de file du mouvement Arts and Crafts.
Si le thème du Gothic Revival a fait l'objet de nombreuses expositions en Angleterre, il n'a jamais été abordé en France. Ainsi, presque toutes les oeuvres choisies y sont présentées pour la première fois. A partir d'une centaine d'objets, de meubles et de dessins provenant de collections prestigieuses (en particulier : collections royales, Palais de Westminster, Victoria and Albert Museum, Cardiff Castle), l'exposition met l'accent sur les personnalités marquantes du Gothic Revival, Pugin, Burges, Ruskin, Morris, mais aborde aussi certains thèmes plus larges, comme la diffusion industrielle et commerciale du style gothique ou sa place dans l'architecture monumentale. Jusque dans sa présentation, l'exposition évoque toutes les formes d'une passion typiquement anglaise, où se mêlent érudition, invention et goût de la couleur.