Exposition au musée

La maison de Wendel. Trois siècles d'industrie en Lorraine (1704-2004)

Du 16 novembre 2004 au 13 février 2005
Constantin Meunier, Van Aerschodt Frères
Puddleurs au four, dit aussi Puddleurs sortant la loupe, en 1893
Musée d'Orsay
1893
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / RMN
Voir la notice de l'œuvre
Charles de Bertier-Les forges d'Hayange en 1866
Charles de Bertier
Les forges d'Hayange en 1866, 1866
Collection particulière
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / DR

Une véritable épopée industrielle commence lorsque Jean-Martin Wendel achète en 1704 à Hayange, petit village de la vallée de la Fensch, une forge à demie-ruinée. Originaire de Bruges, la famille s'installe en Lorraine, avec Christian de Wendel (1636-1708). Son fils cadet, Jean-Martin, devient directeur des forges d'Ottange, avant de débuter à Hayange cette lignée de maîtres de forges qui dirigea jusqu'en 1978. A la mort de ce pionnier, ses fils héritent de cinq forges en pleine activité, dont l'histoire va bientôt croiser celle de la fameuse fonderie royale du Creusot, dont Ignace de Wendel, son petit-fils, est l'un des fondateurs. Ce dernier est une figure passionnante, non seulement un grand ingénieur féru d'innovations techniques, mais aussi un écrivain et un philosophe, un "homme des lumières", en exil en Allemagne pendant la révolution, ami de Goethe, alors ministre en charge des mines et des forges.

Anonyme-Marguerite d'Hausen, dite Madame d'Hayange
Anonyme
Marguerite d'Hausen, dite Madame d'Hayange
Collection particulière
© Denis Ernwein

Les femmes ont un grand rôle dans cette aventure : Madame d'Hayange (1718-1802), veuve en 1784 de Charles de Wendel, reste seule face à la tourmente révolutionnaire ; les forges sont confisquées, la veuve conduite en prison à Sarreguemines. Il faut, en 1803, racheter les forges, sorte de seconde fondation. Plus tard, Madame François de Wendel qui perd son mari en 1825, puis son fils, Charles, en 1870 se retrouve confrontée à l'annexion. C'est elle qui crée la Société des Petits-Fils de François de Wendel, conservant la propriété et la gérance des usines.

Anonyme-François de Wendel d'Hayange (1778-1825)
Anonyme
François de Wendel d'Hayange (1778-1825)
Collection particulière
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / DR

Au XIXe siècle, l'entreprise prend tout son essor. François de Wendel (1774-1825) et Charles de Wendel (1809-1870) vont asseoir la prospérité des usines. François est à Hayange et achète les forges de Moyeuvre et de Jamailles qu'il va s'employer à développer. Avec lui, commence l'entrée en politique des Wendel ; il est député, Président du Conseil général de la Moselle. Charles, avec son beau-frère, le baron Théodore de Gargan, fonde la ville et les forges de Stiring Wendel. Ils acquièrent les houillères de Petite Rosselle, ce qui leur permet d'avoir, enfin, la matière première nécessaire à l'alimentation des hauts-fourneaux, cumulant ainsi mines de charbon, mines de fer et forges.
Charles est aussi l'initiateur de la politique sociale des Wendel ; il crée une ville ouvrière, hiérarchisée et dominée par la présence de la direction et des usines, qui reste un modèle jusque dans les années 1930. Ce patron éclairé saisit très vite l'importance du chemin de fer et fonde un réseau destiné à relier les usines entre elles et à se raccorder à la compagnie des chemins de fer de l'Est.

Alphonse de Neuville-La passerelle de Stiring, août 1870
Alphonse de Neuville
La passerelle de Stiring, août 1870, 1870
Mairie de Stiring
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / DR

La Lorraine annexée par l'Allemagne de 1870 à 1978, connaît la période la plus sombre et la plus douloureuse de son histoire. Durant cette période, Henri de Wendel (1844-1906) acquiert le procédé mis au point par les ingénieurs britanniques Thomas et Gilchrist, permettant de fabriquer de l'acier ; désireux de posséder une usine en France, les Wendel, associés aux Schneider et à la banque Seillière, mettent à feu l'usine de Joeuf, en 1882. Pour permettre à ses enfants, qui étudient en France et obtiennent rarement l'autorisation de venir le voir en Lorraine, il fait élever le château de Joeuf. En 1905, son fils cadet Maurice construit, dans le parc du château, pour sa famille, le château de Brouchetière. Ce dernier achète, en 1913, un hôtel particulier avenue de New York.

Léon Simon-Les forges de Joeuf
Léon Simon
Les forges de Joeuf, 1883
Collection particulière
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / DR

Il y reconstitue le décor de l'hôtel de Besenval, conçu en 1782 par Clodion et conservé au Louvre, et commande au célèbre peintre catalan José-Maria Sert (1876-1945), un décor consacré à la Reine de Saba, conservé au musée Carnavalet.

Anonyme-Madame de Wendel, épouse d'Henri de Wendel avec ses trois fils, François, Maurice et Humbert, posant pour le vitrail d'Hayange dans un décor gothique
Anonyme
Madame de Wendel, épouse d'Henri de Wendel avec ses trois fils, François, Maurice et Humbert, posant pour le vitrail d'Hayange dans un décor gothique, vers 1890
Fonds Wendel, déposé aux Archives de France
© DR

En 1918, les trois fils d'Henri, François II, régent de la Banque de France, président du très puissant Comité des Forges, homme politique, Humbert, négociateur doué, Maurice plus intéressé par ce qui touche aux oeuvres sociales, se partagent la direction. L'entreprise est à son apogée lorsque se déclenche le second conflit mondial. Les Wendel sont interdits en Lorraine et les usines confisquées. Les Lorrains doivent choisir entre l'Allemagne et la France ; ils sont expulsés s'ils décident de rester français. A l'issue de la guerre, le paysage industriel change. En 1946, les mines de charbon sont nationalisées ; le dernier grand maître de forges historique, François II de Wendel meurt en 1949. La maison toujours dirigée par la famille vit, en 1978, les grandes tourmentes qui ébranlent la sidérurgie européenne, et l'ensemble de l'empire Wendel est nationalisé sans indemnisation. Mais la bannière des Wendel flotte encore et toujours sur le monde de l'entreprise.

Anonyme-Le château de Brouchetière, élévation
Anonyme
Le château de Brouchetière, élévation, 1907
Collection particulière
© DR

Cette exposition retrace une aventure industrielle et humaine, menée collectivement par les Wendel, leurs directeurs et associés, leurs employés et ouvriers des forges et des mines, dans une province à l'histoire tourmentée.
Elle se situe dans la lignée des dossiers consacrés par le musée d'Orsay aux grandes dynasties, d'architectes comme les Vaudoyer (1991), d'industriels comme les Schneider (1995), d'artistes comme les Halévy (1999).

Anonyme-Vue d'ensemble du carreau Saint-Joseph à Petite Rosselle
Anonyme
Vue d'ensemble du carreau Saint-Joseph à Petite Rosselle, 1880
Fonds Wendel, déposé aux Archives de France
© DR

A l'aide de peintures, sculptures, objets, maquettes de lieux et de machines, dessins d'architecture ou dessins techniques, photographies anciennes, cette manifestation s'articule autour de trois thèmes principaux :

 

  • L'histoire de la dynastie Wendel, de leur arrivée à Hayange en 1704 jusqu'à la mort du dernier maître de forges "historique", François II de Wendel, né en 1874 et mort en 1949. Portraits peints ou sculptés (Carolus Duran, Ernest Hébert, Denis Puech), aquarelles, dessins et photographies des châteaux d'Hayange, de Joeuf et de Brouchetière, des hôtels de la rue de Clichy et de l'avenue de New York, objets et souvenirs divers témoignent du mode de vie des Wendel et de leurs sentiments face à l'annexion allemande.
  • Les grandes avancées industrielles, techniques et sociales: prise de possession des forges d'Hayange, fondation du Creusot, forges et les mines de fer, exploitation des mines de charbon de Petite Rosselle (maquette du carreau du puits Saint-Charles) ; présentation des oeuvres sociales et de la cité ouvrière de Stiring-Wendel, modèle qui reste en vigueur jusque dans les années 1930.
  • Anonyme-Mine de Hayange, trieuses de minerai
    Anonyme
    Mine de Hayange, trieuses de minerai, 1903
    Hayange, collection Louis Drockenmuller
    © DR

    La vie des Lorrains dans les mines et les usines. La plupart des objets de cette section provient de collectionneurs lorrains, anciens de chez Wendel, ou du remarquable musée des mines de fer de Neufchef, près d'Hayange, entièrement constitué et réalisé par d‘anciens mineurs ou employés des forges de Lorraine.

    Jean-André Rixens-Laminage de l'acier : défournement et enfournement des lingots
    Jean-André Rixens
    Laminage de l'acier : défournement et enfournement des lingots, 1887
    Le Creusot, Musée de l'Homme et de l'Industrie
    © DR

    L'oeuvre sans doute la plus étonnante de cette section est le grand tableau d'André Rixens : Laminage de l'acier : enfournement et défournement des lingots, oeuvre monumentale présentée à l'Exposition universelle de 1889 où elle obtient la médaille d'or. La Moselle annexée est présentée à l'aide du grand tableau d'Alphonse de Neuville, de photographies et d'objets témoignant de la fidélité tenace de ce territoire à la France.