L'art est dans la rue

Affiches Charles Verneau. « La Rue », 1896
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et Photographie
© Photo BnF
Introduction
Le développement spectaculaire des affiches, au cours du second XIXe siècle, constitue un phénomène abondamment commenté par les contemporains. La propagande imprimée avait connu un essor considérable pendant la Révolution française. Mais à partir du milieu du XIXe siècle, la ville – notamment Paris où l’affichage prend une importance particulière – est le lieu d’une dissémination d’un nouveau type d’affiche, illustrée et en couleurs. C’est cette rupture que l’exposition se propose de donner à voir.
Investie par l’avant-garde artistique, l’affiche incarne la « vie moderne », telle qu’elle est alors désignée, et opère comme un puissant révélateur des mutations d’une société en pleine évolution. L’exposition explore les ressorts de ce phénomène qui n’est pas seulement artistique et technique, mais aussi urbain, économique, social et politique. À travers un ensemble unique d’œuvres réunies ici pour la première fois, le parcours montre aussi comment ces images multiples ont contribué à façonner les mythes et les représentations de ce qu’il est convenu d’appeler la Belle Époque.
L’affiche transforme la ville
Apparue avec l’essor de la consommation, l’affiche illustrée en couleurs connaît un intense développement durant la seconde moitié du XIXe siècle, si bien que sa prolifération, dans la ville, est observée comme un phénomène de société. Bien qu’éphémère, ce média a contribué à la métamorphose de l’espace urbain : « Tout comme la société, la rue s’est transformée » et l’affiche en est désormais un élément essentiel, écrit le critique d’art Roger Marx.
Cette omniprésence des affiches suscite des réactions contrastées : elle peut être perçue comme un bienfait de la vie moderne ou, au contraire, comme une pollution visuelle. Ainsi la liberté de commerce puis la liberté d’expression, qui favorisent cette inflation des images, vont entrer en tension avec la conscience patrimoniale émergente, attachée à la protection des monuments historiques et du paysage urbain.
La véritable architecture, c’est l’affiche !
Alors que des associations luttent contre la prolifération des affiches, une vision radicalement opposée se fait jour. Elles ont désormais des défenseurs dans le monde de l’art, qui considèrent qu’elles transfigurent les rues. Leurs éloges se doublent souvent d’une critique virulente de la ville haussmannienne, à l’image de Joris-Karl Huysmans, selon lequel les affiches de Jules Chéret détonnent et « déséquilibrent, par l’intrusion subite de leur joie, l’immobile monotonie d’un décor pénitentiaire ». C’est dans cet esprit que le journaliste et essayiste Maurice Talmeyr écrit à la fin du XIXe siècle : « La véritable architecture, aujourd’hui, celle qui pousse de la vie ambiante et palpitante, c’est l’affiche, le pullulement de couleurs sous lequel disparaît le monument de pierre. »
Colleurs d’affiches, entre stéréotypes et réalités
Acteur de la propagation des affiches dans la ville, le colleur d’affiches est un personnage emblématique du Paris de la Belle Époque. Ses outils de travail, facilement reconnaissables, sont repris par des personnalités qui se déguisent en colleur d’affiches, comme le prince Napoléon lors d’un bal à l’Opéra en 1883.
Mis en scène par les écrivains et les premiers réalisateurs, il devient une figure incontournable des représentations pittoresques des rues et des petits métiers de Paris. Souvent stéréotypées, ces images – diffusées notamment sous forme de cartes postales – passent sous silence les difficultés d’un métier risqué, où les chutes sont parfois mortelles.
En période électorale, le nombre de colleurs dans les rues augmente sensiblement et peut atteindre jusqu’à 1 800 à Paris. Ils sont alors l’objet de toutes les attentions de la part des candidats qui leur reconnaissent un véritable pouvoir.
L’invention de l’affiche illustrée en couleurs
L’affichage officiel existe en France depuis 1539, lorsque François Ier prend la décision de faire afficher les ordonnances royales. Il est au fil du temps de plus en plus concurrencé par des placards divers, textes et pamphlets, tout particulièrement depuis la Révolution française.
Dès les années 1830 se développent les affiches illustrées, notamment celles de librairie qui doivent donner envie aux lecteurs de lire les nouveautés. De format modeste, imprimées en noir, elles restent cantonnées à l’intérieur. L’industrialisation des processus d’impression permet l’avènement de la lithographie en couleurs de grand format à la fin des années 1860 : ce sont désormais de grandes affiches colorées qui conquièrent les murs des villes. Les magasins de nouveautés, les spectacles ou encore les journaux s’emparent progressivement de ce support publicitaire d’un nouveau genre.
Les pionniers de l’affiche en couleurs
Jean-Alexis Rouchon propose le premier des affiches en couleurs de grand format dès les années 1840. Utilisant notamment la gravure sur bois, son atelier produit manuellement et en série ces affiches frappantes par leur format et leurs couleurs vives. Une nouvelle étape est franchie avec Jules Chéret, reconnu comme le père de l’affiche moderne. Après une formation de lithographe et de dessinateur et un séjour de plusieurs années à Londres, il ouvre son atelier de lithographie parisien en 1866. Sa maîtrise technique et ses talents artistiques assurent le succès de ses affiches aux couleurs de plus en plus éclatantes. Dans les années 1880, il devient la référence sur la scène française en matière d’affiches et son travail est remarqué par les artistes et les critiques d’art. Les imprimeries lithographiques deviennent à la fin du siècle de véritables industries artistiques.
La technique de la lithographie
La lithographie est une technique d’impression à plat d’un dessin réalisé sur une pierre, pierre calcaire préparée ou pierre artificielle. Mise au point par Alois Senefelder, imprimeur allemand, à la fin des années 1790, la lithographie repose sur le principe chimique de la répulsion du gras et de l’eau : le dessin réalisé sur la pierre au crayon gras attire l’encre d’imprimerie. Au contraire, la surface libre de la pierre, saturée d’eau, repousse l’encre grasse. L’image à reproduire est décomposée par couleur : à chaque couleur correspond généralement une pierre. La feuille de papier est successivement pressée sur chacune de ces pierres pour reconstituer l’image. Comme toutes les techniques d’estampe, le procédé lithographique inverse l’image : on imprime sur le papier une image symétrique à celle portée par la pierre.
Les affiches face à la censure
La censure désigne l’intervention du pouvoir politique ou religieux pour interdire la publication d’un texte ou d’une image ou encore la représentation d’un spectacle, considérant que ces œuvres portent atteinte à ses valeurs. Il s’agit alors d’un système préventif par lequel l’État autorise les publications en amont de leur parution. En France, la censure s’exerce jusqu’à la loi sur la liberté de la presse de 1881, sauf la censure théâtrale qui continue jusqu’en 1906. Pour autant, après ces dates, le pouvoir, par le biais des institutions judiciaires et de la police, contrôle tout de même les publications a posteriori et des poursuites peuvent être engagées. De nombreux artistes de la fin du XIXe siècle critiquent ouvertement la rigueur morale de ces actions, dont ils sont parfois victimes.
L’affiche stimule la consommation
La publicité, la vente par correspondance et les grands magasins comptent parmi les innovations commerciales qui favorisent l’essor de la consommation au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Le succès des « cathédrales du commerce moderne », comme les désigne Émile Zola dans Au Bonheur des dames (1883), repose sur un principe essentiel : vendre en grande quantité et rapidement. Devenue un moyen de communication de masse, l’affiche illustrée en couleurs s’impose rapidement comme l’une des armes au service de ces nouvelles stratégies commerciales. Séduits par ses qualités esthétiques, certains annonceurs se tournent vers les affichistes les plus réputés, comme Jules Chéret, Henri de Toulouse-Lautrec ou encore Alphonse Mucha. Le média devient un champ d’expérimentations fécond, qui privilégie progressivement l’efficacité commerciale. Au début du XXe siècle, cette évolution est incarnée par Leonetto Cappiello dont le graphisme épuré et percutant est entièrement mis au service du message publicitaire.
Les « cathédrales du commerce »
Vers le milieu du XIXe siècle, la capitale voit se multiplier les magasins de nouveautés, dont le nombre passe de 300 en 1830 à plus de 1 300 en 1862. Ces enseignes sont les premiers lieux qui favorisent l’essor de la consommation, essentiellement bourgeoise. C’est sous le Second Empire qu’apparaissent véritablement les grands magasins, qui se caractérisent par un changement d’échelle majeur des volumes de ventes, mais aussi du nombre de clients et d’employés. La publicité joue un rôle crucial dans le développement de ces établissements dont le succès repose sur la vitesse de rotation des stocks. Leur architecture montre une recherche de monumentalité et de théâtralité, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur où la clientèle vit une expérience grisante.
La publicité pour tout et pour tous
L’affiche illustrée s’impose rapidement comme un support indispensable de la publicité moderne. Malgré son coût et les questionnements déontologiques qu’elle suscite, nombreuses sont les marques qui se laissent convaincre par ses possibilités et profitent de ses retombées. Dans le contexte d’une consommation croissante favorisée par la révolution industrielle, les affiches sont employées pour la promotion de marchandises en tous genres. Usant largement de stéréotypes, leurs discours s’adaptent habilement à la nature des produits et aux consommateurs visés. Le processus de ciblage publicitaire se met progressivement en place : les réclames s’adressent à une clientèle masculine, mais aussi féminine, en raison de son influence sur les achats du quotidien, ainsi qu’aux enfants, pour lesquels des objets publicitaires sont spécifiquement conçus.
La « vie moderne »
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse favorise l’explosion de l’affichage commercial, notamment à Paris où les habitants jouissent d’un pouvoir d’achat supérieur au reste de la population française. Invention récente en perpétuel perfectionnement, l’affiche lithographique en couleurs constitue un outil de promotion idéal pour les annonceurs. La capitale devient une vitrine de la « vie moderne », transformée par de nouveaux modes de consommation et de nouvelles pratiques commerciales. À la fin du XIXe siècle, les affiches jouent un rôle décisif dans le succès de la bicyclette et dans le développement du tourisme. Incarnant la modernité d’une société bouleversée par l’essor industriel, l’affiche contribue aussi à en modeler les représentations.
Les avant-gardes et l’affiche
Dans les années 1880, l’affiche devient un médium artistique à part entière, salué par les critiques d’art qui font l’éloge des « maîtres de l’affiche », dont Jules Chéret est reconnu comme le pionnier. À côté des artistes qui se spécialisent dans l’affiche et l’illustration, certains peintres investissent également ce domaine dans les années 1890. Ceux du cercle nabi trouvent dans l’affiche un terrain d’expérimentation fécond pour renouveler leur art. Pierre Bonnard, Édouard Vuillard, Maurice Denis, mais aussi Henri-Gabriel Ibels et bien entendu Henri de Toulouse-Lautrec contribuent à des degrés divers à ce nouvel art. Ils retrouvent dans ce médium les spécificités de leur propre œuvre picturale : l’absence de perspective traditionnelle, l’emploi d’aplats de couleurs vives, le synthétisme des compositions.
L’affichomanie
Dans les années 1890, les affiches font l’objet d’un véritable engouement. Elles attirent des collectionneurs à tel point que l’on parle d’« affichomanie ». Pour les amateurs, un marché spécialisé dans l’affiche illustrée, proche de celui de l’estampe, se met en place avec ses expositions, ses marchands et ses publications. Certains tirages d’affiches comportent des épreuves rares, spécialement destinées aux « affichomaniaques » et dont aucune ne fut jamais placardée dans la rue. Les variations d’affiches célèbres, comme celles d’Alphonse Mucha pour Sarah Bernhardt ou de Toulouse-Lautrec, sont recherchées. Certaines sont conservées dans de vastes portefeuilles, d’autres sont mises en valeur dans des meubles spéciaux destinés aux collectionneurs.
Les affiches d’expositions
Le Salon officiel, contesté dès les années 1860, est de plus en plus concurrencé par des salons émanant d’organisations indépendantes, dont certaines se spécialisent dans des domaines bien précis – arts décoratifs, aquarelle, estampe, etc. – quand d’autres visent à établir un dialogue entre les arts. Ces manifestations donnent souvent lieu à la création d’affiches, probablement moins destinées à attirer le public qu’à marquer l’événement comme en témoignent les expositions pluridisciplinaires organisées à partir de 1894 par le Salon des Cent au siège de la revue La Plume. Quarante-trois affiches furent ainsi créées, chacune par un artiste différent. La diversité des personnalités et des styles donne une idée de l’étendue de l’intérêt des milieux artistiques pour l’affiche.
Des spectacles pour tous
Les entrepreneurs du spectacle font largement appel à l’affiche illustrée pour attirer les spectateurs, dans ce secteur alors très dynamique et concurrentiel à Paris. Diffusées principalement dans le quartier des Grands Boulevards, ces nombreuses affiches sont posées sur des chevalets devant l’entrée des salles, collées sur les murs ou sur les colonnes Morris. Renouvelées fréquemment, au rythme d’une programmation changeante, elles contribuent à l’essor d’une culture de masse.
Les peintres qui fréquentent ces lieux développent parfois des liens avec certains interprètes, au point d’en prendre en charge l’image : c’est le cas de Toulouse-Lautrec avec les personnalités des cabarets et cafés-concerts, ou d’Alphonse Mucha avec Sarah Bernhardt. Plus généralement, le monde de la scène, du théâtre au cirque, de l’Opéra au cabaret, fascine les peintres et devient un sujet pictural en soi. La familiarité de ces deux milieux, le spectacle et la peinture, s’exprime donc à la fois dans les affiches et dans la pratique picturale.
Mucha et Sarah Bernhardt : la construction d’une icône
Sarah Bernhardt est certainement la première comédienne à maîtriser son image. À mesure de sa célébrité grandissante, elle peut exiger d’apparaître à son avantage sur les affiches. Au faîte de sa gloire au milieu des années 1890, sa bonne entente avec Alphonse Mucha se traduit par la création de huit affiches, aussitôt iconiques. Missionné dans l’urgence pour créer l’affiche de Gismonda, Mucha saisit la spécificité de l’actrice qu’il avait déjà dessinée sur scène. Il en propose une vision idéalisée, tout en mettant en avant les accessoires de chacun des rôles qui résument la pièce : la palme du martyr, la fleur de camélia, le glaive sanglant, etc. Il combine ainsi la nécessité publicitaire de l’affiche et la volonté de son modèle qui écrivit dans son autobiographie : « Et je résolus ardemment d’être quelqu’un, quand même ! »
Les personnalités de la Bohème
Amateur de cabarets et de cafés-concerts, Toulouse-Lautrec crée dans les années 1890 des affiches pour différentes personnalités : Aristide Bruant, poète, chansonnier et cabaretier, mais aussi des chanteuses et danseuses comme Yvette Guilbert, May Milton, ou encore La Goulue. D’autres artistes comme Théophile Alexandre Steinlen, ou plus tard Leonetto Cappiello, s’emparent de ce sujet. Chaque personnalité est caractérisée par des traits physiques ou des accessoires qui en font un personnage : chapeau, gants, silhouette longiligne ou plus massive, jeu de scène récurrent… Ces représentations oscillent entre le pittoresque bohème et l’individualisation des personnes. Ainsi ces premières « vedettes » se font un nom en même temps qu’une image, aidées par des artistes qui les connaissent, assistent à leurs représentations et fréquentent ce milieu.
Le spectacle de l’altérité
À côté des premières vedettes dont les noms s’imposent sur les affiches, l’univers du spectacle repose largement sur une mise en scène du « monde » vu de Paris. Les spectateurs sont invités à découvrir les prétendus représentants de sociétés lointaines, colonisées par les empires occidentaux. Les affiches insistent donc sur les traits pittoresques – costumes, accessoires – dans des numéros spécialisés réputés « inédits ». Le corps des individus fait aussi partie du spectacle : orné et vêtu selon des codes inconnus du public, il est montré comme doté de capacités différentes telles que la force, la souplesse et le sens de l’équilibre. Ces nombreuses affiches posent les bases de représentations fondées sur l’essentialisation des individus, leur réduction à des caractéristiques fantasmées, et ouvrent la voie aux discours ouvertement racistes du XXe siècle. L’affiche tiendra alors un rôle beaucoup plus sombre dans la diffusion de ce racisme.
La politique est dans la rue
L’âge d’or de l’affiche artistique advient dans une période marquée par des préoccupations d’ordre social, dans une IIIe République travaillée par une aspiration à de profonds changements. Considérant que « le peuple s’instruit dans la rue autant que dans la classe », l’architecte Frantz Jourdain pose la question de la responsabilité sociale de l’artiste en 1892, dans un article au titre fort : « L’art dans la rue ». Accessible à tous, l’affiche est mise au centre du débat sur l’art social par de nombreux auteurs tels Roger Marx, Joris-Karl Huysmans ou encore Gustave Kahn.
Lieu de diffusion de l’affiche, la rue est aussi devenue un espace d’expression à part entière pour les citoyens. Moins violente qu’autrefois, la vie politique voit s’affirmer de nouvelles pratiques, comme les manifestations de rue. C’est dans ce contexte, marqué par une montée des extrêmes dans la capitale, qu’apparaissent les premières affiches illustrées politiques.
L’affiche au cœur de l’art social
Diffusée dans l’espace public, l’affiche devient le médium privilégié de « l’art pour tous ». Pour Roger Marx, « elle est le tableau mobile, éphémère, que réclamait une époque éprise de vulgarisation et avide de changement ». En 1893, dans le journal pamphlétaire Le Père Peinard, Félix Fénéon en fait l’éloge tout en composant une diatribe contre la peinture de salon : l’affiche est, écrit-il dans un argot décapant, de « la peinture plus hurf [chic] que les croûtes au jus de réglisse qui font la jubilation des trous du cul de la haute ».
Par ce plaidoyer grinçant, le nouvel art se voit érigé en véritable contre-culture, à l’opposé d’un art académique réputé bourgeois. L’affiche illustrée, qui s’était développée avec l’essor de la consommation, se retrouve alors au cœur des clivages socio-politiques du Paris fin de siècle.
Du roman social à la presse militante
Encadrées par la loi du 29 juillet 1881, la liberté d’expression réaffirmée et la libéralisation de l’affichage favorisent l’émergence des premières affiches illustrées politiques dans un espace public resté longtemps sous l’étroit contrôle de l’État. Dans un premier temps, celles-ci se propagent essentiellement par le biais de la publicité pour des romans sociaux, publiés notamment sous forme de feuilletons dans des journaux à grand tirage.
Face à la concurrence du capitalisme de presse, les journaux militants luttent pour leur survie. Le spectre reste large cependant, entre titres radicaux de droite, antisémites et nationalistes, et ceux d’extrême gauche touchant un lectorat instable, principalement parisien. C’est notamment le cas des feuilles anarchistes, auxquelles collaborent des artistes de premier plan. Promouvant ces journaux militants, des affiches au contenu ouvertement politique se diffusent dans la rue.
Vers l’affiche de propagande
Au tournant du siècle, les affiches illustrées délivrant des messages politiques, qui étaient jusque-là essentiellement liées à des campagnes publicitaires pour des livres ou des journaux, s’émancipent. Syndicats, groupements politiques et comités révolutionnaires s’emparent de ce nouveau moyen de communication de masse. Des artistes engagés, comme Théophile Alexandre Steinlen et Jules Grandjouan, inventent une rhétorique graphique conçue pour frapper l’opinion publique dans l’espace urbain. Rompant avec la vision intime du dessin de presse, celle-ci repose sur une composition monumentale et verticale, destinée à entraîner le regard du passant vers le haut. Ce langage mural marquera durablement la propagande par l’affiche, qui se développe pendant et après la Grande Guerre.