Exposition hors les murs

Renoir / Renoir

Du 28 septembre 2005 au 09 janvier 2006
Auguste Renoir
Bal du moulin de la Galette, en 1876
Musée d'Orsay
Legs Gustave Caillebotte, 1894
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
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Pierre Auguste Renoir-Etude. Torse, effet de soleil
Rosa Bonheur
Feuille d'études d'après un veau
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Thierry Le Mage

Organisée par la Cinémathèque française et le musée d'Orsay, cette exposition révèle les liens unissant la famille Renoir qui, génération après génération, s'est passionnée pour de nombreuses pratiques artistiques. Peinture, cinéma, photographie, céramique, et musique... toutes les disciplines sont abordées au cours de confrontations visuelles, amenant à penser ensemble les toiles magistrales de Pierre-Auguste Renoir et les films de son fils, Jean Renoir.

Autour de ces deux artistes les plus emblématiques du "clan Renoir", sont également évoqués les deux autres fils de Pierre-Auguste, Pierre Renoir, comédien et complice de Louis Jouvet, Coco, céramiste ; et enfin le fils de Pierre, Claude (Junior) Renoir, chef opérateur qui servit le travail de son oncle Jean entre 1932 et 1956.

Il s'agit de comprendre les origines communes de leur vision du monde et de leurs fantasmes. En somme, de faire émerger une histoire partagée par tous, et réinterprétée ensuite par chacun. A l'image de cette phrase emblématique : "J'ai passé ma vie à tenter de déterminer l'influence de mon père sur moi." (Ma vie et mes films, Jean Renoir).

Pierre-Auguste Renoir-Portrait de l'artiste
Auguste Renoir
Portrait de l'artiste, en 1879
Musée d'Orsay
Donation sous réserve d'usufruit de Mr Daniel Guérin, 1952
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
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C'est avec la figure du père, Pierre-Auguste Renoir que débute le parcours de cette exposition.

"J'aime les tableaux qui me donnent envie de me balader dedans" : le Maître de l'impressionnisme crée l'appel, et invite le visiteur à une traversée de son univers. La traversée d'un monde intime et mondain à la fois influencé par les codes et les valeurs de l'histoire esthétique et sociale du XIXe siècle : une communauté de marchands, de critiques d'arts, de mécènes, de princes, ou de célèbres tragédiennes. Le tout sous l'égide de cette image tardive d'un Pierre-Auguste Renoir âgé, en fin de vie, décidant d'exister jusqu'au bout en images, et n'hésitant pas à se laisser filmer par le jeune Sacha Guitry dans son film Ceux de chez nous (1915), quand bien même il était cloué dans sa chaise à porteurs, et que le cinématographe n'était que balbutiant.

"Plusieurs fois des producteurs m'ont proposé de faire un film sur la vie de mon père. J'ai toujours refusé. La vraie raison de mon refus est que cette évocation à des fins commerciales d'un père par son fils me semble d'assez mauvais goût. (...) Sacha Guitry a filmé quelques instants de la vie de mon père avant l'autre guerre. Il l'a fait avec beaucoup de talent, et Renoir s'étant prêté de bonne grâce à cette expérience, on peut, paraît-il, le voir aller et venir sur l'écran d'une manière très vivante. Je n'ai jamais voulu voir ce film."

(Jean Renoir).

Pierre-Auguste Renoir-Maternité, l'enfant au sein (Mme Renoir et son fils Pierre)
Auguste Renoir
Maternité dit aussi L'Enfant au sein, en 1885
Musée d'Orsay
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / RMN
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A partir des années 1890, Pierre-Auguste immortalise Pierre, Jean et Coco (artisans plus qu'artistes selon leurs propres mots), trois enfants, trois modèles. Ce goût immodéré pour la représentation de soi et des siens pousse, une fois devenus adultes, les fils Renoir vers d'autres expériences : portraits photographiques (par Man Ray, Sam Lévin, Willy Maywald, ou Robert Doisneau), et portraits en images mouvantes, le cinéma ayant pris le relais de la peinture dans la famille Renoir dès 1924 (date à laquelle Jean signe son premier long-métrage). Jean dirige son frère Pierre dans quatre de ses films, et se dirige lui-même à plusieurs reprises, se glissant dans la peau du très autobiographique Octave dans La Règle du jeu. Au réel, donc, les Renoir répondent par de la fiction. Leur quotidien s'imprègne de leur vie rêvée, au point de faire d'eux-mêmes des personnages de légende.

Pierre-Auguste Renoir-Gabrielle à la rose
Auguste Renoir
Gabrielle à la rose, en 1911
Musée d'Orsay
Don de Philippe Gangnat en mémoire de son père, 1925
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
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"La seule chose que j'exige d'un modèle est que sa peau ne repousse pas la lumière." Cette phrase de Pierre-Auguste Renoir aurait aussi bien pu être la devise de son fils Jean, cinéaste solaire, dont la caméra cherchera toujours à révéler la sensualité féminine.

Deux muses seront au coeur de cette section de l'exposition. Deux femmes, au rôle de passeurs, qui révélèrent les artistes à leur propre désir. Gabrielle, tour à tour modèle de Pierre-Auguste et gouvernante de Jean, qui l'amène dès son plus jeune âge à assister aux projections de films des Grands Magasins Dufayel. Puis Catherine Hessling, de son vrai nom Andrée (Dédée) Heuschling, dernier modèle de Pierre-Auguste et héroïne exclusive des cinq premiers films muets de Jean (dont elle est alors l'épouse). D'autres modèles sont évidemment présents autour des deux muses principales, qu'elles s'appellent Aline Charigot, Colonna Romano, Catherine Rouvel ou Paulette Goddard, à chaque fois un mélange de grâce fragile et de robustesse. "On n'admire pas un tableau à cause de sa fidélité au modèle, ce qu'on demande au modèle, c'est d'ouvrir la porte à l'imagination de l'artiste." (Ma vie et mes films, Jean Renoir)

Pierre-Auguste Renoir-Paysage algérien. Le Ravin de la femme sauvage
Auguste Renoir
Paysage algérien. Le Ravin de la femme sauvage, en 1881
Musée d'Orsay
Collection Durand-Ruel,1881; acquisition, 1943
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Tony Querrec
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Eldorado de couleurs et de mouvements, la nature est sacrée, aux yeux des Renoir (qu'importe qu'elle soit méditerranéenne, indienne, ou américaine). L'artisan créateur doit s'imprégner des lieux qui l'entourent, les visiter, en capturer la luminosité, l'éclat, et le mouvement (même sur la toile).

Cette section valorisera la régénération solaire et le bouillonnement vital, incarnés par ce ballet d'ombrelles, de guinguettes, de canotiers, de blanchisseuses, et de feuillages multicolores.

Outre l'influence originelle de Marlotte, "J'ai aussi habité à Marlotte, au bord de la forêt de Fontainebleau. Rien de plus français que ce paysage. Monet, Sisley et mon père ont passé nombre d'étés dans une petite auberge des environs. En fait, pour être honnête, c'est la raison pour laquelle j'ai acheté une maison dans la région. " dira Jean Renoir, et des Collettes (paradis terrestre du Sud de la France qui envahit les dernières oeuvres du père, et où Jean tourne quelque quarante ans après Le Déjeuner sur l'herbe), se manifeste l'attrait pour les paysages exotiques, comme l'Inde (Le Fleuve), magnifié par le Technicolor. "Pour Le Fleuve, Jean Renoir et moi avons beaucoup travaillé ensemble, avec en background, Renoir le peintre, mon grand-père : toutes nos recherches sur les couleurs, les rendus, les contrastes, étaient dictés par cela." (Claude Renoir Junior).

Pierre-Auguste Renoir-La balançoire
Rosa Bonheur
Etude de bélier
photo musée d'Orsay / rmn © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Thierry Le Mage

Dévolue aux grandes compositions, la dernière partie de l'exposition est consacrée à la fête et au théâtre. Face à face, les célèbres toiles de Pierre-Auguste (Bal du moulin de la galette, Danse à la campagne, Danse à la ville), qui possèdent un dynamisme corporel pré-cinématographique, et les films Belle Epoque de Jean (French Cancan, Élena et les hommes), dominés par des jeux de masques et de dévoilement, règne de l'exhibition des corps, de la beauté convulsive de la danse. Cette section de la maestria et du grandiose, où les artistes, comme leurs personnages, expriment avec le plus de force leurs talents créatifs, est une synthèse de préoccupations avant-gardistes et du respect pour l'héritage esthétique dont les Renoir sont les dépositaires.

"Je veux qu'un rouge soit sonore et résonne comme une cloche, si ce n'est pas cela j'ajoute encore des rouges et d'autres couleurs jusqu'à ce que j'y arrive.

Je ne suis pas plus malin que ça. Je n'ai ni règles, ni méthode." (Pierre-Auguste Renoir).

"Seule la recherche est de la création.", Ma vie et mes films, Jean Renoir.