Exposition au musée

Robert de Montesquiou ou l'art de paraître

Du 12 octobre 1999 au 23 janvier 2000
Gerschel, Paris-Robert de Montesquiou à mi-corps, en manteau à col de fourrure
Paris Gerschel
Robert de Montesquiou à mi-corps, en manteau à col de fourrure, vers 1903
Collection particulière
© D.R.

Il appartient souvent à quelques personnages d'incarner, par leurs goûts, leurs aspirations, leur panache mais aussi leurs excès et leurs ridicules, un milieu social et culturel d'un moment précis de l'histoire. Si l'on ne devait retenir qu'un nom susceptible d'évoquer à lui seul la vie mondaine du Paris fin de siècle, ce serait probablement celui du comte Robert de Montesquiou (Paris 1855-Menton 1921), aristocrate, homme de lettres, esthète, dandy.
On sait ce que lui doit la littérature de l'époque : certains traits physiologiques et psychologiques de sa personne sont en effet passés à la postérité par l'intermédiaire du des Esseintes de Joris-Karl Huysmans (A Rebours, 1884), du comte de Muzarett de Jean Lorrain (Monsieur de Phocas, 1901) du vicomte de Serpigny d'Henri de Régnier (Le Mariage de Minuit, 1903), du paon d'Edmond Rostand (Chantecler, 1907) et naturellement du baron de Charlus de Marcel Proust (A la recherche du temps perdu).

Anonyme-Robert de Montesquiou en Saint-Jean-Baptiste
Anonyme
Robert de Montesquiou en Saint-Jean-Baptiste, vers 1885
Collection particulière
© DR

Ce ne sont là que les exemples les plus fameux, mais l'image inimitable qu'il offrait de sa personne - mise recherchée, registre vocal d'une étendue inouïe, calligraphie déconcertante, impertinence redoutable, vanité désarmante... - n'a cessé, durant les vingt années au cours desquelles il devint, notamment par l'organisation de réceptions conçues comme de véritables oeuvres d'art, un incontestable arbitre du goût, de retenir l'attention des chroniqueurs et des observateurs, qu'ils fussent admiratifs, agacés ou sarcastiques.
Si l'homme fit de son vivant couler beaucoup d'encre et suscite de nos jours un certain intérêt, grâce notamment aux intuitions et au talent du remarquable pionnier que fut Philippe Jullian (Robert de Montesquiou, un prince 1900, Paris, 1965), il fut aussi à l'origine d'une iconographie aussi variée qu'abondante.

Sem-Caricature de Robert de Montesquiou
Sem
Caricature de Robert de Montesquiou
Collection particulière
© DR

C'est une partie de cette iconographie que présente l'exposition. Rappelons que le musée d'Orsay possède deux images très fortes du comte : le célèbre portrait peint en 1897 par Giovanni Boldini et le bronze, de dix ans postérieur, dû au sculpteur Paul Troubetzkoy, qui ont en commun de mettre en évidence le profil altier du modèle, ses doigts fuselés, l'élégance de la silhouette fortement cambrée ainsi que la coupe savante de son habit. Ces oeuvres ainsi que d'autres signées Paul Helleu, Antonio de La Gandara, Philip de Laszlo, relèvent du genre mondain. Mais Montesquiou était aussi une cible rêvée pour les caricaturistes.
Et c'est peut-être Sem et Leonetto Cappiello, dont le comte, auteur de plusieurs essais sur l'art de la caricature, appréciait hautement l'ironie et l'insolence, qui nous restituent le mieux ce qui frappait à l'unanimité les contemporains : cette élégance inégalable en dépit des manières affectées et des poses vaniteuses et cette fameuse voix volubile, aiguë jusqu'au fausset.
Un important ensemble photographique est aussi présenté, grâce à la générosité d'un collectionneur privé et du département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France. Il comprend un certain nombre de tirages sortis des ateliers parisiens spécialisés dans la pose mondaine mais surtout un nombre considérable d'images voulues par le comte lui-même qui se met véritablement en scène en une auto-célébration unique : il a décidé du costume, de l'expression, du geste, de l'angle de la prise de vue et parfois orienté la lecture de l'image par un commentaire de sa main. Cette entreprise qu'il a résumée, sous le titre évocateur d'Ego Imago, dans une suite de quatre albums, évoque irrésistiblement le comportement de la comtesse de Castiglione qu'il adulait et à laquelle il a consacré une brillante étude.
Aussi cette célébration de Robert de Montesquiou doit-elle être perçue comme un pendant à l'exposition que le musée d'Orsay consacre à la "divine comtesse" et un écho de la manifestation Proust présentée à la Bibliothèque nationale de France.