Acquisition · Enfant avec un masque de Jean-Léon Gérôme

Jean-Léon Gérôme
Enfant avec un masque, entre 1840 et 1856
Musée d'Orsay
Achat, 2023
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Sophie Crépy
Voir la notice de l'œuvre

Au printemps 2023, le musée d'Orsay s'est porté acquéreur d'une peinture de Jean-Léon Gérôme, Enfant avec un masque. Œuvre singulière dans la production de ce grand créateur d'images, ce tableau au format en tondo (rond) garde une part de mystère et soulève encore des questions quant aux conditions de son exécution. Il s'ajoute aux nombreuses peintures et sculptures de cet artiste déjà présentes dans les collections du musée d'Orsay. En très bon état, cette peinture a pu être exposée dans les salles du musée dès son arrivée.

Enfant avec un masque est une peinture particulièrement singulière dans l’œuvre de Jean-Léon Gérôme (1824-1904). Par bien des aspects : son sujet, l’identité du modèle, sa date exacte, son contexte de création etc., elle reste encore très énigmatique et garde un grand pouvoir de fascination. L’œuvre représente, dans un format en tondo, le buste et le visage d’un jeune enfant, dont les yeux sont tournés vers le spectateur. Sur un fond bleu-vert foncé, l’enfant porte sur les épaules un ample vêtement vert émeraude, sur sa tête un masque brun clair avec des serpents et de longs cheveux vermillon, retenu par un fin cordon. Dans sa main gauche, il tient la poignée et la garde de ce qui semble être un petit glaive en bois.

Jean-Léon Gérôme, Enfant avec un masque
Jean-Léon Gérôme
Enfant avec un masque, entre 1840 et 1856
Musée d'Orsay
Achat, 2023
© Musée d’Orsay, dist. RMN-Grand Palais / Sophie Crépy
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Serait-ce le héros grec Persée ayant tranché la tête de la Méduse de son épée ? La chevelure rouge du masque serait-elle une référence au sang versé par le monstre au regard pétrifiant ? Plus qu’une véritable figure mythologique ou un portrait « en travesti », comme à la mode au XVIIIe siècle, Gérôme nous donne à voir plus simplement le jeu de l’enfant, qui, à partir de quelques objets, laisse libre cours à son imaginaire. La gravité du regard de jeune garçon et la simplicité de la mise en scène, le contraste entre l’expression furieuse du masque et la placidité de l’enfant, font de ce tableau une véritable méditation sur notre capacité à croire aux mythes et sur l’innocence de l’enfance.

L’œuvre, non signée et jamais exposée du vivant de l’artiste – peut-être elle-même inachevée –, est restée longtemps confidentielle. Donné par l’artiste à Blanche Goupil, sœur de son épouse Marie, elle s’est transmise dans la famille pendant plusieurs générations avant de gagner le marché de l’art dans les années 1990. Peu exposée – si ce n’est lors de la grande exposition rétrospective Gérôme organisée par le musée d’Orsay en 2010 – et peu commentée, la toile doit encore faire l’objet de recherches, qui permettront notamment peut-être d’identifier le modèle. Le tableau ayant été exécuté entre 1840 et 1856, il ne peut s’agir en effet du propre fils de l’artiste, Jean, né en 1865, ni même de son neveu Pierre, né en 1867.

Cette acquisition permet au musée d’Orsay d’enrichir sa collection d’œuvres de l’artiste d’une peinture étonnante de ses débuts et d’une vision très singulière de l’héritage classique et de l’enfance au XIXe siècle.

Auteur

  • Paul Perrin, directeur de la conservation et des collections du musée d'Orsay