Quels auteurs aurons-nous le plaisir d’écouter lors de ces deux soirées des 27 et 28 novembre ? Quel est le fil d’Ariane de cette sélection ?
Ces deux soirées vont réunir des auteurs, des écrivains, qui ont en commun d’avoir été séduits, émerveillés, fascinés prématurément par l’innovation artistique et technique du cinéma au point d’avoir voulu faire entendre « à chaud » leur émerveillement. Ils s’appellent Tolstoï, Cendrars, Virginia Woolf, Colette, Jean-Paul Sartre, Gorki , Apollinaire… Ce qui les relie, c’est la poésie. C’est l’intuition poétique de la fonction artistique et sociale qui sera celle du cinéma dans le futur qu’ils pressentent. C’est aussi l’appétit pour une forme nouvelle de narration qu’elle soit perçue par le spectateur ou conçue par le créateur. Ce qu’ils attendent du cinéma, ce sont des émotions nouvelles autant que des pulsions insoupçonnées.

Le cinéma Gaumont-Palace, place de Clichy- LE CINEMA GAUMONT-PALACE, PLACE DE CLICHY, VERS 1913, vers 1913
Musée Carnavalet
P2156 | CARP2156
CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet © Paris Musées / Musée Carnavalet Histoire de Paris / Paris Musées
Comment allez-vous orchestrer cette lecture ? Quel sera l’originalité du dispositif scénique que vous avez imaginé pour permettre aux comédiens, Mathieu Amalric, Léa Drucker et Guillaume Gallienne, de porter ces textes sur scène ?
J’ai voulu que Léa, Mathieu et Guillaume donnent à ces paroles d’hier une incarnation que j’appellerais « résurgente », c’est à dire que leurs voix d’êtres bien vivants réaniment celles des auteurs qui sous-tendent les images muettes venues du passé. Les projections d’images animées que j’applique sur ces comédiens proviennent d’un faisceau lumineux porteur de sens, venu du passé pour éclairer le présent. La voix, comme l’image s’applique sur l’émotion première, sur la surprise qu’a créé le cinéma au moment de son apparition. Je voudrais que les fantômes reprennent chair le temps de ce spectacle.
“« ...j’ai toujours entretenu avec les cinéastes une relation faite d’émotions, de curiosité, d’admiration et de gratitude. »”
En vous plongeant dans ces textes, avez-vous retrouvé les émotions de votre première rencontre avec le cinéma ? Vous souvenez-vous de cette première expérience ?
Plus je remonte dans mes souvenirs et plus le point d’origine de ma rencontre avec le cinéma semble s’éloigner. Comme s’il avait toujours fait partie de ma vie. Il se confond intimement à mon histoire, j’ai toujours entretenu avec les cinéastes une relation faite d’émotions, de curiosité, d’admiration et de gratitude. Les images restent dans ma mémoire. Chaque nouveau film est une première expérience de cinéma.

La Place du Théâtre Français, 1898
© Los Angeles, Etats-Unis, Los Angeles County Museum of Art / LACMA
Le théâtre a fortement influencé le cinéma, au début de son histoire et encore aujourd’hui. Quelle a été selon vous l’influence du cinéma sur le théâtre ?
On a pu penser, quand il est apparu, que le cinéma serait l’avenir du théâtre, que les auteurs de théâtre devraient se reconvertir en scénaristes et que les spectateurs délaisseraient les théâtres pour emplir les cinémas alors que le cinéma devait tout au théâtre. Tout cela était faux. Le cinéma a vraiment appris du théâtre quand il est devenu parlant. À son origine, le cinéma s’est construit sur le réel pour en donner une représentation onirique, poétique, magique ou burlesque, mais avant tout , sur le réel. « L’outil ultime du cinéma c’est le réel et pas plus que le réel », disait le grand critique André Bazin.
Peut-on dire aujourd’hui que le cinéma influence le théâtre ? Sans aucun doute puisque les adaptions de films au théâtre se multiplient et que les réalisateurs de cinéma viennent mettre en scène au théâtre. Le théâtre s‘est affranchi de la « règle des trois unités » et a pu, dès lors, emprunter au cinéma ses ellipses, ses sauts dans l’espace et dans le temps, et parfois même ses effets spéciaux. L’introduction dans les mises en scène de théâtre - ou d’opéra – des projections d’images a conduit les créateurs à considérer « le tournage » comme un passage, non pas obligé, mais envisageable, de la création théâtrale. De Bob Wilson à Ryusuke Hamaguchi.
J'ai vu naître le cinéma
- 27 et 28 novembre 2021 à 17h,
- Auditorium du musée d'Orsay
- Mise en scène : Anne Kessler de la Comédie française
- Avec Mathieu Amalric, Léa Drucker et Guillaume Gallienne