Béclu, quant à lui, modèle probablement son masque vers le début du XXe siècle, soit une quinzaine d'années après la mort de l'écrivain.
Il s'est associé pour sa réalisation aux établissements Émile Muller et Cie qui éditent depuis les années 1880 des œuvres de sculpteurs contemporains en grès émaillé.
Bien qu'il ne mesure que 36 cm, il se dégage de ce visage une certaine monumentalité qui lui donne une présence remarquable. L’émail est traité avec un raffinement et une forme de "brutalité" qui évoque directement les travaux de Jean Carriès (1855-1894). Le maillage coloré fait directement référence aux travaux de ce céramiste.
Le traitement de l’émail s'éloigne ainsi de toute recherche réaliste alors que la figure du poète est empreinte de dramatisme et de recherche tragique. En veinant de bleu turquoise le masque laissé beige, et en créant ainsi un visage étonnant, Béclu crée une œuvre à la limite de l’inquiétude.
Seul musée français à conserver des œuvres de Hodler, Orsay comptait jusqu’ici 3 de ses tableaux dans ses collections (Le bûcheron, La pointe d'Andey et Madame Valentine Godé-Darel malade). Mais aucun ne permettait encore d’aborder un aspect majeur de son œuvre : l’association entre portrait "réaliste" et composition symboliste que l’on trouve dans l’image de ce garçon assis dans l’herbe.
Avec ces deux acquisitions, le musée d’Orsay affirme sa volonté de renforcer, pour une meilleure lecture du XIXe siècle, la présence des avant-gardes étrangères dans ses collections.
L'Etablissement public des musées d'Orsay et de l'Orangerie a exercé son droit de préemption sur deux lots lors de la vente "Camille Claudel : un trésor en héritage", lundi 27 novembre 2017, chez Artcurial : Etude II pour Sakountala (vers 1886) et Tête de vielle femme, étude pour L'Âge mûr (vers 1890).
Ces acquisitions exceptionnelles d'oeuvres en provenance directe des héritiers de la soeur de Camille Claudel, Louise de Massary, permettent au musée d'Orsay, qui ne conservait jusqu'ici que deux oeuvres de l'artiste (L'Âge mûr et Torse de Clotho), d'enrichir la présence de celle-ci au sein des collections de sculpture, notamment grâce à la remarquable esquisse en terre cuite pour Sakountala, une de ses oeuvres majeures.
Ce type de diapositives, d’une grande qualité de rendu, était trop complexe à produire pour permettre un développement sur le marché. Les recherches aboutiront à l’autochrome (breveté en 1903), premier procédé couleur diffusé à l'échelle industrielle et commercialisé en 1907.
Parmi les 69 autochromes acquis, certaines plaques ont été produites artisanalement avant même que l’invention soit mise à la portée des amateurs fortunés. L’intérêt de l’ensemble ne se limite pas à nous faire pénétrer dans l’intimité des inventeurs du cinématographe (1895). Images d’une vie familiale mise en scène, portraits, tableaux vivants et paysages témoignent de l’influence de modèles picturaux variés, à une époque où le procédé était surtout perçu comme le moyen de s’adonner enfin à une forme d'impressionnisme "à la machine".
L’ambition et l’accomplissement esthétiques, à la fois sensibles et magnifiés par le choix récurrent du très grand format, dépassent bien souvent la tradition des photographies de famille. Ils hissent la sélection au rang de l’un des plus remarquables et vastes ensembles connus sur la pratique en couleur des Lumière.
En grande partie inédit, celui-ci était encore au début de l’année 2017 dans les mains des héritiers d’Henri (1897-1971), fils d’Auguste Lumière. Aucun autochrome relevant de cette production familiale n’était jusqu’à présent conservé dans les collections nationales.
Cette acquisition est assortie d'un don généreux de 6 portraits monochromes des Frères Lumière et du patriarche Antoine Lumière
Sa série sur les ramoneurs s’inscrit dans cette veine qui irrigue parallèlement sa peinture, comme elle inspire nombre de ses contemporains dans la continuité de l’estampe depuis le XVIIIe siècle et, au-delà, d’une tradition picturale remontant au XVIIe siècle espagnol et nordique.
Si Murillo et Rembrandt sont alors naturellement convoqués au sujet des ramoneurs photographiés, l’ambition de Nègre n’en dépasse pas moins les problématiques du genre et du pittoresque.
En recourant au système optique à l’origine de ses petits clichés circulaires, le but du photographe est d’obtenir, pour reprendre ses mots, des "épreuves instantanées". Cette démarche pionnière se traduit par un projet qui ne l’est pas moins, celui de représenter le mouvement de la marche au moyen du nouveau médium.
La réalité des temps d’exposition et le choix de privilégier la netteté lui imposeront de recourir malgré tout à l’illusion : les trois Ramoneurs en marche ont posé dans la petite version (société française de photographie) ; a fortiori dans la grande (musée Carnavalet).
La suite compte également une prise de vue du groupe au repos (négatif au musée d’Orsay), de sorte que le plus jeune travailleur serait le seul à avoir eu les honneurs d’une mise en scène individuelle.
L’anecdote facile a été maintenue hors du cadre pour faire la part belle à l’expressivité de la silhouette, servie par un jeu d’ombres puissant, une géométrisation des formes et une épure du décor qui ne sont pas sans évoquer les peintures contemporaines de Daumier, voisin de Nègre sur l’île Saint-Louis.
Par l’acquisition de la seule épreuve connue du Petit Ramoneur, c’est un jalon essentiel de l’histoire de la photographie qui est virtuellement reconstitué dans les collections françaises.
Il reste certain que la qualité de fonte des bronzes dorés restés anonymes indique le savoir-faire d’un professionnel de très haut niveau.
Dans cet exemplaire, les remarquables décors - vue d’une grotte marine et une pièce d’eau dans un jardin - sont traités de chaque côté en deux vues bien cernées dans une fenêtre flanquée de consoles d’architecture. De part et d’autre, les extrémités cintrées sur lesquelles sont placées les anses simulent un mur de briques sur lequel courent des végétaux.
La grotte marine qui évoque l’image romantique de la nature sauvage mais hospitalière s'oppose au bassin reflétant une colonnade figurant sur le flanc opposé de la jardinière, vision sophistiquée, évocatrice du parc Monceau à Paris et de la propriété de Tissot en Angleterre. Tel le ying et le yang, ce contraste renvoie à la culture chinoise, source d’inspiration première de l'artiste pour cet objet spectaculaire.
D’une facture et d’un coloris précieux, ce tableau accorde une importance équivalente aux personnages, dont la gestuelle éloquente est caractéristique de l’artiste, et au paysage dans lequel ils s’inscrivent.
Celui-ci est composé d’un arbre au tronc noueux, de rochers dont les décrochements ne sont pas sans évoquer Léonard de Vinci, et d’une vaste plaine dont la ligne d’horizon très basse donne la sensation d’un large espace en dépit du petit format de l’œuvre. Le détail de l’âne fixant une nuée de vautours posés sur les rochers à droite de la composition ajoute une note pittoresque à l’ensemble.
Les petites huiles sur bois de Gustave Moreau étaient particulièrement appréciées par les amateurs dès les années 1860, à l’instar de Paul Tesse qui fut le premier propriétaire de l’œuvre ou de Charles Hayem. De la collection de ce dernier, le musée d’Orsay conserve notamment un Calvaire dont la date et le format sont proche de ceux du Bon Samaritain.
Emblématique de la politique éclairée du royaume de Bavière, ce décor (disparu lors d'un bombardement de 1945) est une production singulière au sein de la carrière d’Alexandre Cabanel, un des plus grands peintres académiques de la seconde moitié du XIXe siècle, tant par sa composition que par ses dimensions.
L'artiste avait déjà œuvré à la représentation du récit biblique lors de son envoi romain de 5ème année, La mort de Moïse (Dahesh Museum of Art, New York), où l’influence de la chapelle Sixtine et de la Vision d’Ezechiel de Raphaël (Palais Pitti, Florence) était patente. Le Paradis perdu adopte les mêmes références, Raphaël pour la figure de Dieu et Michel-Ange (le tombeau de Julien de Médicis notamment) pour la figure d’Adam.
En accordant une place centrale à la nudité d’Eve, Cabanel donne une vision renouvelée de ce sujet biblique, ce qui reflète l’évolution des sensibilités modernes.
Cette acquisition est d’autant plus importante que le musée d'Orsay (qui conserve six oeuvres d’Alexandre Cabanel) ne détenait aucune peinture relative à l'activité de décorateur du peintre.
Les motifs des plaques émaillées sont en effet très proches des motifs qu'il a publié dans ses Caprices décoratifs, tandis que la richesse décorative du travail de l’argent préfigure ses créations spectaculaires comme le célèbre vase Ronde de trois cigales de 1905.
L’influence japonaise est perceptible dans la forme et la fonction même de l’objet, tout autant que dans les partis pris décoratifs. L’utilisation de l’ébène de macassar constitue un ornement en soit, ce choix laisse s’exprimer la beauté naturelle du matériau dans l’esprit japonais tel qu’il est compris par les protagonistes de l’Art Nouveau.
A cela s’ajoutent le riche décor des plaques émaillées aux couleurs délicates rehaussées d’éclats plus intenses (le coeur des chrysanthèmes, le rebord des feuilles). La monture en argent est également composée d’ornements d’inspiration végétale, dans un style à la fois foisonnant et structuré, qui suit la construction du coffret.
L’intérieur est tout aussi soigné, le dessin des parties en argent fait écho aux fonds des plaques émaillées du revers et des côtés, décorées d’arabesques très caractéristiques des années 1900.
Le Portrait de Paul Guillaume à mi-cuisse, à la ligne claire, croque la nonchalance du modèle en dandy, une main tenant son col. Différent dans sa composition de la toile conservée à l’Orangerie, il s’y rapporte directement par l’inscription en lettres capitales "NOVO PILOTA" en bas à gauche, surmonté d’une croix, à l’exacte même place. Si le dessin est non daté, ces éléments précis nous amènent à proposer une datation contemporaine de celle de la toile.
L’acquisition de cette œuvre provenant directement de la collection Paul Guillaume est une opportunité rare pour le musée de l’Orangerie puisqu’il est resté dans la famille de Domenica Walter, mais aussi par le lien étroit entretenu avec le portrait peint déjà conservé à l’Orangerie.