L'Allée

Edouard Vuillard
L'Allée
entre 1907 et 1908
peinture à la colle sur toile
H. 230,0 ; L. 164,0 cm.
Legs Edouard Vuillard, par l'intermédiaire de M. et Mme K.X. Roussel, beau-frère et soeur de l'artiste, 1941
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Edouard Vuillard (1868 - 1940)
Niveau médian, Pavillon amont

Vers 1900, s'ouvre une nouvelle période créatrice dans la carrière de Vuillard. Son art évolue une peinture influencée par l'impressionnisme de Monet, avec des tableaux davantage ouverts à la lumière du soleil et traversés de couleurs plus vives. L'allée, l'un des trois panneaux décoratifs réalisés pour les princes Antoine et Emmanuel Bibesco entre 1900 et 1908 (avec Les lilas et La meule), est particulièrement représentatif de cette nouvelle manière. Dans un sous-bois ensoleillé, au bout d'une allée qui creuse l'espace de la toile, Lucy Hessel pose vêtue d'une robe d'un parme délicat.
Depuis quelques années, Lucy et Vuillard vivent une tapageuse relation amoureuse, sous le regard apparemment indifférent du mari de cette dernière, Jos Hessel, marchand d'art et ami du peintre. Lucy est naturellement devenue l'un des modèles préférés de Vuillard et L'allée constitue le plus grand portrait qu'il ait jamais consacré à la jeune femme.
Comme c'est la cas pour La meule, le peintre s'est ici directement inspiré d'une photographie pour la composition de sa toile. On y retrouve Lucy et son chien Basto, le banc en bois, l'allée, disposés exactement comme sur la peinture. Vuillard pourtant ne se contente pas de "recopier" les clichés qu'il a lui-même pris. Il considère les photographies comme des esquisses qui réveillent en lui "mille souvenirs". Bien plus tard, dans les années 1920 et 1930, quand il ressort ses vieilles épreuves pour retoucher La meule et L'allée dont il est insatisfait, il ne leur accorde qu'un rôle d'aide-mémoire. C'est à cette occasion qu'il livre à son Journal, le 15 janvier 1939, une réflexion des plus révélatrice : "importance définitive supérieure du sentiment de la sensation colorée [...] idée de trompe l'oeil après inféconde ou tout au moins limitée".