Les Déchargeurs de charbon

Claude Monet
Les Déchargeurs de charbon
vers 1875
huile sur toile
H. 54,0 ; L. 65,5 cm.
Dation, 1993
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Claude Monet (1840 - 1926)

Monet partage les préoccupations de certains de ses contemporains, comme le peintre Degas ou le romancier Zola, qui s'attachent à évoquer la vie moderne sous ses divers aspects. L'artiste résida à Argenteuil de 1871 à 1878, et se rendait fréquemment à Paris par le train, lequel franchissait la Seine par le pont ferroviaire d'Asnières, près duquel se déroule cette scène. Le pont que l'on voit devant est le pont routier d'Asnières, et l'on devine au loin dans la grisaille le pont de Clichy.
Cette scène montrant des ouvriers demeure atypique dans l'oeuvre de Monet. La Seine n'y est pas le fleuve gai où se déroulent des régates, mais celui qui charrie les péniches. Les berges ne sont pas bordées d'arbres, mais de cheminées fumantes. Les promeneurs du dimanche cèdent la place à des déchargeurs de charbon vidant les chalands - des péniches- afin de ravitailler l'usine voisine.
Certes, le tableau ne relève pas de la critique sociale : le point de vue distant privilégie le paysage urbain comme l'enregistrement d'un spectacle banal et quotidien. Mais les tons éteints, allant du vert au gris, donnent à la scène une atmosphère sourde. Les silhouettes à contre-jour, dépersonnalisées, disposées en files parallèles au rythme mécanique sur les passerelles, sont aussi une image de la tristesse de la condition ouvrière. Les figures sont fortement contraintes par le rythme de la composition : l'arche du pont impose sa masse, la grande oblique des péniches traverse la toile, tandis que les lignes des planches donnent une scansion particulièrement obsédante. L'analogie avec les estampes japonaises que Monet collectionnait, des vues d'Edo par Hokusai et Hiroshige, est indiscutable.

Niveau supérieur, Salle 31