Sous la direction de Laurence Bertrand Dorléac, professeur d'histoire de l'art à Sciences Po.
Définition du sujet, exposé des problèmes.
Pour comprendre les difficultés de réception par le public des dernières peintures de Claude Monet, on s'appuiera sur l'essai du philosophe allemand Oswald Spengler, Déclin de l'Occident, publié en 1918. Sorte de modèle du pessimisme européen en vogue dans l'entre-deux guerres, dans lequel le philosophe allemand développe une philosophie cyclique de l'histoire, nous verrons en quoi leurs oeuvres, commencées toutes les deux en 1914, semblent dialoguer, se retrouver, se contredire et finalement s'exclure l'une et l'autre.
Dans la dernière partie du XIXe siècle et jusqu'en 1945 s'affirme une obsession de la dégénérescence un peu partout en Europe. Le 'génie' artistique, tel qu'illustré dans le roman de Zola, L'Œuvre, est considéré comme une forme de singularité sociale qui s'accompagne parfois de tares génétiques, physiologiques et psychologiques. Le discours sur l'impuissance des artistes a pu s'appliquer à Monet, qui avait les plus grandes difficultés à peindre.
Le contexte scientifique et parascientifique du tournant du siècle, où s'élaborent la pensée et l'oeuvre tardives de Monet, en relation avec la théorie de l'évolution de Charles Darwin, relayée en Europe par Ernst Haeckel, fait l'objet de cette séance. Le goût pour la science en même temps que le besoin de rêverie et de mystère, voire d'irrationnel caractérisent l'époque étudiée.
A quel type de paysage renvoient les dernières oeuvres de Monet, qui s'inscrit dans une tradition à la fois occidentale et extrême-orientale ? La passion de Monet pour les arts japonais, en particulier pour les maîtres de l'estampe que sont Hokusai et Hiroshige, mais aussi la singularité de son approche du paysage occidental, en dehors des voies du romantisme et du naturalisme, font l'objet de ces séances.
En noyant son objet, Monet semble aller vers l'abstraction. Il a toujours pratiqué la série à partir d'un même motif sans jamais se répéter au risque de rater, sans songer non plus en termes de progrès mais plutôt de variations. Le refus de livrer ses oeuvres jusqu'à sa mort (en 1926) doit se comprendre par sa volonté farouche de pouvoir jusqu'au bout les retoucher et surtout les évaluer toutes ensemble.
En 1918, Claude Monet fait don à la France via Clemenceau de ses dernières peintures. Cet acte se présente comme un monument aux morts, radicalement différent de tous les autres. Le peintre restera largement incompris jusqu'en 1945, alors qu'il pratique un art aux antipodes des canons valorisés dans l'entre-deux guerres : figuration, monumentalité, verticalité, héroïsation.
Depuis 1945, les dernières oeuvres de Monet sont non seulement prises comme matrices et comme modèles par de nombreux artistes modernes en Europe et aux Etats-Unis, mais elles sont appréciées par un public de plus en plus nombreux qui fréquente les salles de l'Orangerie. A l'inverse, on n'entendra plus parler de l'essai de Spengler Le Déclin de l'Occident, jusqu'à récemment. Nous reviendrons sur les raisons de ces variations de goût et changement de mentalité.
En relation avec le sujet du cours, cette dernière séance sera consacrée à la création par les étudiants : lecture de textes, poèmes, théâtre, musique, danse, etc.
Gratuit, sans réservation, dans la limite des places disponibles