Exposition au musée

Fantin-Latour Coin de table Verlaine, Rimbaud et les Vilains Bonshommes

Du 27 octobre 1987 au 24 janvier 1988 -
Musée d'Orsay
Esplanade Valéry Giscard d'Estaing
75007 Paris
Plan & itinéraire
Henri Fantin-Latour
Coin de table, en 1872
Musée d'Orsay
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
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Coin de table: un titre parfaitement anodin ; l'un des quatre grands portraits de groupe peints par Fantin-Latour en hommage à ses contemporains.

Après l'Hommage à Delacroix (Salon de 1864), après Un atelier aux Batignolles (Salon de 1870), où Fantin rassemble les peintres qu'il admire, augmentés de quelques poètes, parmi lesquels Baudelaire, Fantin se tourne vers des écrivains.

Il expose au Salon de 1872 Coin de table, représentant une société de poètes réunis à la fin d'un repas. De ces huit convives, la postérité n'en a guère retenu que deux : Verlaine et Rimbaud, assis côte à côte, comme isolés des autres dîneurs, pour l'éternité.

Le long cheminement qui aboutit au Coin de table est reconstitué à travers plusieurs albums de dessins qui, avec l'abondante correspondance de l'artiste, permettent de suivre l'élaboration de son oeuvre : dès la fin de 1864, Fantin projette de présenter au Salon de 1865 un Repas, qui aurait pour sujet des convives groupés autour d'une table portant un toast à un artiste universellement reconnu (Rembrandt ou Vélasquez), dont le portrait serait suspendu derrière eux.

Après plusieurs dessins préparatoires, Fantin transforme sa composition initiale et présente au Salon de 1865 une sorte d'allégorie réelle, Le Toast : une femme nue symbolisant la Vérité entourée d'un groupe d'artistes qui portent un toast en son honneur. Insatisfait, il détruira cette oeuvre à son retour du Salon.

Après la guerre de 1870-1871, Fantin décide de peindre un tableau intitulé Baudelaire - L'Anniversaire, représentant douze poètes groupés autour d'une table avec, sur le mur, en évidence, le portrait de Baudelaire.

Il exécute plusieurs études en vue de ce tableau dans le courant de décembre 1871. Or, au Salon de 1872, il expose, non pas un tableau à la gloire de Baudelaire, mais Coin de table, oeuvre sur laquelle on ne dispose d'aucun document préparatoire : ni lettres, ni dessins, ni témoignages.

On y retrouve la table blanche au premier plan chargée d'un dessert aux vives couleurs, formant contraste avec le groupe sombre des poètes qui occupent l'espace restant, en une dissymétrie savamment calculée.

Tous issus du Parnasse, mouvement de renaissance poétique qui domine les années 1860, les convives du Coin de table partagent une entreprise commune : la fondation d'une revue, La Renaissance littéraire et artistique, à laquelle collaborent d'avril 1872 à mai 1874 Mallarmé, Villier de l'Isle-Adam, Charles Cros, Germain Nouveau, Verlaine, et bien d'autres poètes aujourd'hui oubliés.

La place impartie aux dîneurs rend compte de l'organisation de la revue : debout au centre du tableau, se tient Emile Blémont, son rédacteur en chef, flanqué de ses lieutenants Pierre Elzéar et Jean Aicard. Ces trois personnages se distinguent par l'élégance de leur tenue.Mis à part Verlaine et Rimbaud qui s'isolent dans le coin gauche de la toile, les autres modèles assis, Léon Valade, Ernest d'Hervilly, Camille Pelletan, sont aussi des collaborateurs réguliers de La Renaissance.

La question dès lors se déplace : pourquoi Verlaine, pourquoi Rimbaud ?

Le tableau, si serein en apparence, se révèle être en fait le lieu d'affrontements poétiques qui dégénèrent parfois en rixes. Hommage discret à une revue nouvellement fondée, Coin de table met aussi en lumière un moment de l'histoire littéraire, cet entre-deux vacillant où le mouvement parnassien s'essouffle, où certains cherchent des formules neuves : la présence de Verlaine et de Rimbaud dans un tableau dédié à des poètes parnassiens mineurs est là pour l'attester.

L'exposition est maintenant terminée.

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