Comment est né ce projet dédié au musée d’Orsay ? Pourquoi avoir choisi le format « Cherche et trouve » ?
Marie Caroline Dufayet, directrice des éditions des musées d’Orsay et de l’Orangerie, m’a contactée pour faire un livre en collaboration avec ma maison d’édition, l’école des loisirs. Son idée était de trouver un moyen pour démocratiser le musée par l’intermédiaire de mon personnage Simon le lapin. Elle m’a donnée carte blanche pour investir la Salle des fêtes. Je me suis dit que l’un des moyens de donner envie aux enfants d’aller au musée, c’était de m’approprier certaines œuvres et de les refaire avec des lapins. Mon but alors était de jouer avec les grands classiques pour que les enfants puissent s’en emparer, eux aussi. Si Simon le fait, moi aussi je peux le faire. Finalement, le projet n’a pas été possible… Mais il nous restait le livre !
Après avoir essayé de traiter la thématique « Aller au musée » en utilisant mon procédé narratif, j’ai écrit plusieurs versions de Je ne veux pas aller au musée mais je n’arrivais pas à trouver la pirouette, il y avait un côté trop moral, un peu poussif : Le musée c’est génial !
C’est là que j’ai eu l’idée d’un Cherche et Trouve, plus ludique et moins didactique car tout passe par l’image. Le format est parfait et il permet d’organiser un jeu de piste pour les enfants au sein du musée. Mon éditrice des éditions de l’école des loisirs, Mélina Mokhtari et Marie Caroline Dufayet, du musée d’Orsay, étaient toutes les deux emballées.
Pouvez-vous nous raconter la genèse du personnage de Simon, figure emblématique de votre travail, que l’on pourra retrouver avec ses amis pour ce nouveau projet ?
Simon, c’est mon Frankenstein. Je donne vie à un autre que moi qui prend la parole. Il me libère en termes de langage et d’attitude, il dit tout haut ce que je pense tout bas. À travers ses interjections, je m’exprime sur des évènements de ma vie. Une amitié toxique, un chagrin d’amour, un déménagement : autant de situations que vivent aussi les enfants. Les enfants sont toujours perçus comme des petits êtres différents alors qu’ils traversent les mêmes joies, les mêmes colères, les mêmes angoisses que nous. Simon me permet de tenter de donner à l’enfant une clé. Tu as le droit de ne plus vouloir d’un ami qui ne te fait pas du bien (Mais c’est pas juste), de comprendre comment fonctionne le monde des adultes sans être encore prêt à obéir tout le temps (Caca Boudin), tu as le droit d’avoir peur du premier jour de l’école (Je ne veux pas aller à l’école), tu as le droit d’avoir peur du pot (Non pas le pot), etc…
Dans vos illustrations, on remarque que vous avez représenté en « version lapin » beaucoup de figures humaines issues de nos collections, des sculptures de la nef jusqu’à celles de ce que vous nommez les « Super Méga Tableaux du musée d’Orsay ». Avez-vous abondamment arpenté nos murs lors de la préparation de cet ouvrage ? Est-ce que vous vous êtes amusée en transformant ainsi les œuvres ?
Je me suis beaucoup amusée en transformant les œuvres ! M’autoriser à les réinterpréter m’a permis d’entrer intimement dans chaque œuvre. Grâce au clair-obscur du tableau La charmeuse de serpents, une partie du tableau est très claire et vive en contradiction avec l’autre partie du tableau qui est très sombre. Je n’avais jamais remarqué ce contraste. Les tableaux et sculptures que j’ai choisis sont des œuvres qui me suivent depuis mon enfance. J’avais des reproductions en cartes postales épinglées au mur de ma chambre.
Y a-t-il une œuvre du musée d'Orsay que vous avez particulièrement aimé intégrer dans votre livre ? Pourquoi ?
Le Fifre d’Edouard Manet. C’est un tableau que j’affectionne particulièrement. Je pense que ce tableau m’a beaucoup influencé dans mon travail. La superposition des aplats de couleurs et le contour noir du personnage. Simple et net.
On observe également de nombreuses références à Paris et à la France, du drapeau tricolore, à la tour Eiffel jusqu’aux bateaux mouches. Est-ce que c’était important pour vous, américaine vivant depuis longtemps dans la capitale, d’ancrer ces planches dans un univers très parisien ?
Je suis arrivée à Paris à l’âge de sept ans. C’est la ville où j’ai grandi et j’avais très envie de mettre Simon dans ce décor parisien. Dans mes albums, il y a très peu de décors car je simplifie au maximum pour que l’émotion du personnage ne soit pas noyée dans le décor.
Mais comme c’est un livre-jeu, j’étais totalement libre ! C’est aussi un clin d’œil au chef d’œuvre de Ludwig Bemelmans Madeleine à Paris.
Enfin, si Simon pouvait rencontrer un artiste exposé au musée d'Orsay, qui serait-ce et quelle question lui poserait-il ?
Simon demanderait à Edouard Manet : « Pourquoi tu ne peins pas des lapins ? ».