Une année norvégienne · Questions à Rune Bjåstad et Antonine Fulla

Sous-titre
Harriet Backer, Christian Krohg, Elmgreen & Dragset...
Norvégiennes en scène
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En cette saison 2024-25, le musée d’Orsay présente deux expositions consacrées à des peintres norvégiens, Harriet Backer à l’automne et Christian Krohg au printemps. Ces deux expositions sont l’occasion de se pencher sur la création artistique en Norvège, celle de l’époque des peintres exposés mais aussi celle d’aujourd’hui. Rune Bjåstad, conseiller culturel et communication à l’ambassade Royale de Norvège à Paris et Antonine Fulla, directrice de la programmation culturelle et des auditorium répondent à nos questions et nous révèlent les coulisses de la préparation de cette année norvégienne au musée d’Orsay.

Corps de texte

Comment avez-vous accueilli la nouvelle de cette année norvégienne ?

Rune Bjåstad : Après le succès de l’exposition consacrée à Edvard Munch à l’automne 2022, nous sommes très contents de voir se poursuivre notre belle collaboration avec le musée d’Orsay qui propose non seulement ces deux artistes peintres sur une même saison, mais également le duo danois-norvégien Elmgreen & Dragset qui s’empare, cet automne, de la Nef avec leurs magnifiques sculptures. Nous sommes fiers d’avoir pu développer ensemble une très belle programmation culturelle autour de ces expositions, et bien entendu très reconnaissants vis-à-vis du musée pour cette chance unique de présenter la Norvège auprès du public français.

Christian Krohg (1852-1925)
La Barre sous le vent ! [Hardt le], 1882
Oslo, National Museum
© Photo: Nasjonalmuseet for kunst, arkitektur og design/ Jaques Lathion

Comment avez-vous collaboré pour cette programmation et quels sont les axes choisis ?

Rune Bjåstad : Cette coopération fructueuse ne s’était en réalité pas interrompue depuis la fin de l’exposition Munch ! Dans le cadre de ce nouveau cycle d'expositions, l'une de mes premières tâches en tant que conseiller culturel a été d'organiser un voyage en Norvège pour les programmateurs du musée. Le but était de faire découvrir à nos amis français des potentiels artistes et spectacles, ainsi que de leur permettre de rencontrer des partenaires norvégiens.

Antonine Fulla : Nous avons en effet bénéficié du soutien indéfectible de l’Ambassade de Norvège qui nous a permis de rencontrer des artistes, programmateurs, partenaires norvégiens et donc d’enrichir notre connaissance de la culture norvégienne. Nous avons également pu voir l’exposition consacrée à Harriet Backer à Oslo l’an dernier avant sa venue à Paris et ainsi nous immerger dans sa peinture. Cela nous a permis de nous plonger dans l’univers de cette peintre, peu connue en France, de mieux la découvrir afin d’élaborer notre programmation.

Comment s’est opéré le choix des artistes vivants qui se produiront à Orsay ? Comment avez-vous élaboré les contenus des spectacles avec eux ?

Antonine Fulla : Nous avons assez rapidement pris le parti de proposer une programmation pluridisciplinaire, ne serait-ce que par le fait qu’Harriet Backer forme un duo créatif avec sa sœur Agathe Backer-Grondahl, musicienne. C’est une très grande compositrice de son temps, proche de Grieg. Elle s’est produite sur les scènes du monde entier, à commencer par Paris lors de l’exposition universelle de 1889. Les œuvres d’Harriet Backer, représentant également beaucoup les femmes, nous avons ensuite voulu mettre la création féminine à l’honneur, à travers la littérature mais aussi la danse et la musique. Benedicte Maurseth, musicienne folk incontournable en Norvège s’est imposée par le sujet de son spectacle (les femmes musiciennes à la fin du XIXe siècle) et la qualité de sa proposition, mêlant violon, projection d’images et récit. Un travail d’adaptation a été réalisé pour notre auditorium, en lien avec elle et ses équipes techniques. Pour Skaut, spectacle de danse, c’est après avoir vu le spectacle à l’Opéra d’Oslo que le programmer nous est apparu comme une évidence, par la beauté de la chorégraphie mais également par les images qu’elle convoque, qui nous ont rappelé, à maintes reprises, les toiles d’Harriet Backer.

“... nous avons toujours vu cet intérêt des artistes norvégiens pour l'exploration des origines dans la musique”
Personne citée
Rune Bjåstad

Nous découvrirons donc à l’automne Benedicte Maurseth. Pouvez-vous nous présenter cette artiste ?

Rune Bjåstad : J'ai hâte que le public parisien puisse bientôt découvrir cette artiste tout à fait impressionnante ! Benedicte Maurseth a été consacrée « musicienne folk de l'année 2023 » et s'est distinguée pendant de nombreuses années en tant que musicienne, compositrice et écrivaine. Elle ne craint pas d'explorer de nouveaux domaines, qu'il s'agisse de nouveaux genres musicaux ou de nouvelles façons de travailler.

Les danseuses de Skaut se produiront également avec un spectacle de danse contemporain qui puise dans le folklore. Ce retour aux sources est-il très présent dans l’expression artistique norvégienne ?

Rune Bjåstad : Pour le spectacle Skaut, la compagnie Frikar puise dans la musique et la danse folklorique. Pour le retour aux sources plus généralement, cela dépend de quel genre on parle évidemment, mais je pense que nous avons toujours vu cet intérêt des artistes norvégiens pour l'exploration des origines dans la musique. Il y a peut-être « une vague » plus prononcée ces dernières années, notamment dans la musique folk, dans le jazz et dans la musique dite contemporaine.

“...en se saisissant d’un héritage musical, elle (Benedicte Maurseth) parle en fait de féminisme, d’indépendance des femmes, de liberté et d’émancipation. Des thématiques que nous souhaitons porter dans notre programmation.”
Personne citée
Antonine Fulla

Retrouvera-t-on cette inscription dans un héritage culturel chez d’autres artistes de cette saison norvégienne ?

Antonine Fulla : C’est le cas pour Benedicte Maurseth et le spectacle Systerspel, en se saisissant d’un héritage musical, elle parle en fait de féminisme, d’indépendance des femmes, de liberté et d’émancipation. Des thématiques que nous souhaitons porter dans notre programmation. Le fait de puiser dans un héritage culturel ne signifie pas « retour en arrière » mais plutôt la volonté de s’inscrire dans une continuité et mettre en lumière des artistes, femmes notamment, oubliées afin de leur rendre leurs lettres de noblesse.

Que représente le fait de se produire au musée d’Orsay, à Paris, en France pour ces artistes ?

Rune Bjåstad : Le musée d’Orsay est une institution de grand prestige. C'est une chance pour les artistes d’être visibles en France, à Paris. C'est une opportunité qui peut être significative pour leur parcours artistique. Je l’espère, en tout cas !

Ce sera aussi l’occasion d’entendre la musique d’Agathe Backer Grøndahl jouée en écho à l’exposition consacrée à sa sœur, Harriet Backer, celle de d’Edvard Grieg aussi. Si la musique de Grieg est largement interprétée par les artistes d’aujourd’hui, est-ce le cas de celle d’Agathe Backer Grøndahl ?

Rune Bjåstad : C’est moins le cas pour la musique de Agathe Backer Grøndahl que Grieg, bien sûr. Mais j’ai noté que l’intérêt pour Agathe Backer Grøndahl s'est développé tout au long de l'année écoulée, grâce à l’exposition consacrée à sa sœur, notamment à Oslo. C'est une musique qui gagne à être connue !

Antonine Fulla : Nous avions déjà programmé certains morceaux d’Agathe Backer-Grøndahl au moment de l’exposition Munch mais cette fois nous la mettons particulièrement à l’honneur, avec deux concerts qui lui sont dédiés. Nous espérons participer à la découverte de sa musique, de ses œuvres pour piano d’une grande puissance musicale ainsi que de ses œuvres pour chœur.

À l’occasion de l'exposition consacrée à Christian Krogh au printemps, une soirée sera dédiée au prix Nobel de littérature 2023, Jon Fosse. Qu’est-il prévu lors de cette soirée ?

Rune Bjåstad : Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y aura bel et bien une soirée Jon Fosse, mais patience ! Nous dévoilerons prochainement le programme autour de ce grand auteur.

Antonine Fulla : Ce sera une magnifique soirée qui permettra d’entendre plusieurs extraits de ses œuvres dites par des comédiens et d’explorer le lien très intense qu’il entretient avec la peinture.

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