Restauration · L’Inondation à Port Marly d’Alfred Sisley, 1876

Sous-titre
Une peinture emblématique de l'impressionnisme
Restaurer : quand les œuvres reprennent des couleurs
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Restaurer : quand les œuvres reprennent des couleurs
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Alfred Sisley
L'Inondation à Port-Marly, 1876
Musée d'Orsay
Legs comte Isaac de Camondo, 1911
© Musée d’Orsay, dist. GrandPalaisRmn / Sophie Crépy
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En 2024, le musée d'Orsay a mené une importante restauration de L’Inondation à Port Marly, peinture emblématique des débuts de l’impressionnisme de l’artiste Alfred Sisley. Le tableau était recouvert d’un épais vernis jaune et présentait de nombreux repeints anciens empêchant de percevoir la subtilité de la touche du peintre et ses harmonies colorées. Une nouvelle et délicate intervention fondamentale était nécessaire pour améliorer la lisibilité de la composition.

Corps de texte

État des lieux

Avant d’engager le processus de restauration de l’œuvre, l’historique complexe des interventions autrefois réalisées sur le tableau a été retracé : les archives conservées au C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France), consultées pour ce projet, ont permis de comprendre les altérations de l’œuvre.

Ces archives ont révélé que L’Inondation à Port-Marly avait subi une importante intervention de restauration en 1954. L’œuvre devait au départ être simplement nettoyée et rentoilée (un rentoilage consiste à doubler la toile d’origine afin de la consolider). Lors de cette intervention, un incident a provoqué ce que l’on appelle une « transposition spontanée » : l’enduit s’est décollé de sa toile d’origine, contraignant le restaurateur à reporter la couche picturale sur un nouveau support. Cette opération de transposition n’était donc pas volontaire.

Même si son adhérence ne posait pas de problème aujourd’hui, la couche picturale de l’œuvre restait fragile. Les matériaux de restauration appliqués depuis 1954 avaient jauni, s’étaient terni et se dégradaient, atténuant les contrastes et nuisant à l’équilibre coloré du tableau. En outre, la surface avait probablement été revernie sans avoir été décrassée au préalable, fixant dans les creux de la saleté mêlée à des résines de vernis. Enfin, les retouches anciennes apparaissaient très désaccordées.

Interventions

Afin d’améliorer l’esthétique de l’œuvre et retrouver une luminosité d’ensemble, une restauration dite « fondamentale » s’imposait. Cette opération s’est déroulée en plusieurs  temps  : d’abord les différents matériaux accumulés lors des restaurations passées ont été retirés ; ensuite les lacunes et les altérations provenant en grande partie de la transposition effectuée il y a plus de 70 ans ont été réintégrées.

Dans un premier temps, le décrassage de la couche picturale a permis de retirer une partie des retouches qui s’étaient dégradées au fil des années. La restauratrice en charge de ce projet, Séverine Françoise, a ensuite procédé au retrait des vernis et des repeints. Après cette première phase de nettoyage, la deuxième, consacrée à la reprise des lacunes, a pu commencer.

Durant cette phase, la restauratrice a comblé les manques les plus importants à l’aide de mastics. S’en est suivi un long travail de retouche, mené en concertation avec la conservatrice de l’œuvre, afin de rendre sa lisibilité au tableau. Il a été nécessaire de procéder très progressivement, en commençant par les lacunes les plus importantes, puis en terminant par les micro-lacunes et usures les plus gênantes.

Résultat

Impressionné par le spectacle d’une importante crue de la Seine, observée en mars 1876 depuis le bourg de Marly-le-Roy, Alfred Sisley en fait le motif de plusieurs de ses tableaux. Avec L’inondation à Port-Marly, œuvre emblématique des débuts de l’impressionnisme, l’artiste a brillamment transcrit sur la toile la surface limpide de ces eaux débordantes. Même s’il est impossible de restituer au tableau son apparence d’origine, l’ensemble des retouches effectuées lors de cette restauration a contribué à lui rendre son homogénéité, en atteignant un équilibre. Ses couleurs ont retrouvé leur éclat et leurs nuances.

L’œuvre restaurée figure parmi les « 1OO œuvres qui racontent le climat » et sera prêtée au musée Girodet de Montargis durant cette opération nationale. Elle sera montrée dans l’exposition « Maximilien Luce, Passager du temps », qui présente neuf tableaux, trente-deux dessins et neuf estampes de l'artiste, restaurés après avoir été endommagés par une inondation en 2016.

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