La Marquisette (1901)
Œuvre du début de la carrière d’affichiste de Cappiello, La Marquisette correspond aussi aux débuts de sa collaboration avec l’imprimeur Pierre Vercasson (P. Vercasson & Cie). Les grands principes de son style curvilinéaire, avec son jeu sur les aplats de couleurs vives et contrastés, cernés de noir, sont déjà présents. Cappiello reste toutefois encore proche des « affiches tableaux » de Chéret, avec un souci du détail, notamment dans le rendu des étoffes. Cappiello met ici son art au service de la promotion d’une boisson alcoolisée, et participe à façonner l’iconographie de la Belle Epoque, où se mêlent gaîté et légèreté. Dans ce projet, la liqueur n’est évoquée que par le verre d’alcool. Une bouteille sera ajoutée sur l’affiche finale. Le relâchement de la femme à droite, souligné par le traitement penché de la typographie, suggère des mœurs légères. La composition évoque Black Coffee d’Aubrey Beardsley et son univers décadent, qui avait déjà auparavant intéressé Toulouse-Lautrec.
Cachou Lajaunie (1919)
Cappiello conçoit une première affiche pour les cachous Lajaunie dès 1900, en représentant une femme chapeautée et corsetée ayant une cigarette dans une main, et une boîte de cachou dans l’autre. L’affiche connaîtra un grand succès, et contribuera à asseoir l’image de la femme Cappiello adonnée pleinement à ses loisirs et au divertissement, libre de ses choix. Ce second projet d’affiche pour les cachous Lajaunie, de 1919, reflète l’évolution de cet idéal féminin et son émancipation rapide. La femme Cappiello a abandonné son corset. Ses cheveux courts et teints font écho à sa robe flamboyante. Le principe de l’arabesque et de la silhouette en S des femmes a été abandonné par Cappiello pour pousser celui de la « tâche » à l’extrême, le noir n’étant plus utilisé pour cerner les silhouettes, mais en aplat, pour faire ressortir le jaune associé aux cachous. Il s’agit, par ailleurs, d’une des premières réalisations de Cappiello avec l’imprimeur Devambez, l’artiste ayant mis fin à sa collaboration avec Vercasson en 1918.

Autoportrait, vers 1898
Collection Musée d'Orsay - Département des Arts Graphiques du musée du Louvre, Paris
Achat, 1980
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Michel Urtado
Qui était Leonetto Cappiello ?
Peintre, dessinateur et caricaturiste, Leonetto Cappiello débute sa carrière d'affichiste en 1900. Né à Livourne en Italie, il s’installe à Paris en 1898, où il sera naturalisé. Il collabore avec des revues humoristiques renommées telles que Le Rire, Le Sourire, L'Assiette au beurre et Le Cri de Paris. Son premier grand succès intervient en 1899 avec l'album Nos actrices, portraits synthétiques, publié par La Revue blanche. Jusqu’à 1918, il collabore avec l’imprimeur Vercasson, qui, comme Cappiello, comprend la nécessité de trouver un nouveau langage visuel pour épouser la vie moderne. Dans un numéro de la revue La Publicité moderne de 1906, Cappiello dit d’ailleurs adapter ses affiches à une société littéralement en pleine accélération : « Lorsque je conçois un projet d’affiche, ma première préoccupation est la recherche de la tâche. Cette chose difficile à définir, qui à grande distance, accrochera le regard du passant par l’intensité de sa couleur, le chatouillera par le titillement de ses tons et le retiendra assez de temps par l’agrément de son aspect pour le contraindre à lire l’affiche ». Après cette première étape intervient la question de la ligne et de ce qu’il appelle l’arabesque, « structure essentielle de la composition, […] qui reliera entre eux les différents éléments pour lui donner "la forme" ». Ces arabesques suivent généralement les formes voluptueuses et encore corsetées des femmes, dont il retracera la libération au fil des ans.
Le musée d’Orsay conserve un ensemble majeur d’œuvres de Cappiello, l’une des grandes figures de la Belle Époque, qui comme Toulouse-Lautrec, Mucha ou Chéret a su apporter l’art dans la rue par le truchement de l’affiche. En parallèle de la grande exposition « L’art est dans la rue », le musée d’Orsay présente une sélection des œuvres de Cappiello issues de ses collections, dont ses deux dernières acquisitions, dans un Focus consacré à cet artiste : « L’apéritif et le spectacle ».