
« À quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais, jamais ! »
Seuls reliefs connus de Daumier, Fugitifs figurent parmi les chefs-d'œuvre de sa maturité. Fugitifs est probablement l'appellation exacte. En effet, il s'agit du titre que Champfleury donna aux reliefs dans le catalogue de l'exposition de 1878 chez Paul Durand-Ruel (1831 – 1922) ; le titre Les Émigrants n'apparut qu'en 1888 dans l'ouvrage d'Arsène Alexandre (1859 – 1937). La répression du soulèvement des journées de juin 1848 est probablement à l'origine des reliefs. Les « transportations », par « mesure de sûreté générale » de plus de 4 000 individus, furent contemporains de l'épidémie de choléra qui frappa Paris en 1849. Enfin, après le coup d'État du 2 décembre 1851, les proscriptions de républicains s'intensifièrent au cours de l'année 1852. Ces événements trouvèrent probablement un écho amer dans les grands mouvements de population en Europe, migrations internes des ruraux vers la ville, ou émigrations massives vers le Nouveau Monde. La famine de 1847 en Irlande, la ruée vers l'or en Californie en 1848, à laquelle participèrent les parents de Carpeaux, frappèrent Daumier et ses contemporains. Il faut noter les articles consacrés à l'émigration dans Le Charivari en 1852 : « Les émigrants allemands », « Paroxysme de l'émigration ». Si ces articles peuvent contenir des allusions voilées aux déportations intensives de mars 1852 vers l'Algérie ou le bagne de Cayenne, le thème de l'émigration, de l'exil et de l'errance était dans l'air du temps.
Les reliefs ont-ils précédé les tableaux et les dessins, auxquels ils sont liés ? Il est difficile de répondre, car si les personnages à l'extrême gauche du tableau conservé au musée des Beaux-Arts de Winterthur (Zurich, Suisse) s'inspirent manifestement de la composition des reliefs, avec de légères modifications, le thème hante néanmoins la peinture de Daumier sur une vingtaine d'années. Le décor mural réalisé par Delacroix au palais Bourbon, Attila suivi de ses hordes barbares foule aux pieds l'Italie et les arts, dévoilé en janvier 1848, a inspiré le modelage des reliefs : Daumier semble avoir repris littéralement, mais en le dévêtant, l'attitude de l'homme en fuite portant un ballot sur la tête. Le chignon torsadé du personnage féminin sur le fragment (voir illustration ci-dessous) se fait l'écho des chevelures d’Auguste Préault (1809 – 1879).

Fugitifs, entre 1850 et 1852
Musée d'Orsay
Achat, 1998
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
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Cependant, les sources de la composition se retrouvent d'abord dans l'œuvre de l'artiste. Mais si cette figure de femme au dos musculeux, pivot de la composition, vient exactement, mais à l'envers, d'une lithographie de la série des Baigneurs, publiée dans Le Charivari du 6 septembre 1840 (cette publication constitue un véritable recueil d’études anatomiques cruelles et cocasses constitué par Daumier), il ne serait guère prudent de dater le modelage de façon aussi précoce. La silhouette, ici masculine, participe de l'imaginaire de Daumier « accoutumé [...] à exercer [sa] mémoire et à la remplir d'images », comme l’écrivait Baudelaire en 1863. Les souvenirs michelangélesques affleurent dans l'inachèvement et le modelage vigoureux, mais on y rencontre également l'influence des corps rubéniens. Si la femme au visage enfoui dans sa main évoque l'Adam peint par Masaccio (1401 - 1428), la mise en page des reliefs procède plutôt de certains sarcophages antiques que Daumier a pu examiner au Louvre et rappelle surtout les séquences foisonnantes de personnages de la colonne Trajane, dont Daumier possédait des moulages.

Colonne Trajane, étude d'une partie inférieure de la frise, vers 1862
Collection Musée national du château de Fontainebleau - Musée d'Orsay
Don Alice Boitte, 1959
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Alexis Brandt
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De toutes les sculptures de Daumier, ces reliefs sont les plus ambitieux, déployant en une frise tragique et digne la vingtaine de personnages nus, hommes, femmes et enfants, « sombre armée de misérables ! » (Gustave Geffroy, 1905), qui semblent venir du néant et y retourner. Le mouvement tournant, dans lequel les personnages paraissent se diriger vers le spectateur puis s'en éloigner, vient-il de la composition de la colonne Trajane ? La respiration de vide réservée aux angles supérieurs de la composition suggère une convexité en trompe l'œil qui crée le mouvement cinétique animant les reliefs. Les profils moins accentués ou à peine suggérés à l'arrière-plan forment un fond dynamique aux personnages du premier plan. La composition est centrée sur le personnage féminin fortement cambré en arrière sous le poids de l'enfant qu'elle porte sur son bras droit, cependant qu'un autre la tire dans la direction opposée. L'équilibre des volumes, rythmé par la diversité des jambes puissamment modelées, est sans cesse mis en danger par les aspérités de la matière qui jouent avec la lumière dans des contrastes complexes. Allégories dépouillées d'accessoires, les reliefs ont en quelque sorte évacué le sujet. Le réalisme lyrique et synthétique l'emporte sur l'anecdote et l'emphase. Daumier a su donner au quotidien la dignité de l'universel, anticipant, selon le mot de Luc Benoist (1893 – 1980), le « mysticisme social de Dalou ». Ces reliefs évoquaient à Raymond Escholier (1882 – 1971) « Constantin Meunier à cause de l'entente des masses, [...] Rodin à cause de la synthèse des formes et de la vérité palpitante avec laquelle les muscles affaissés et les ventres flétris sont exprimés ». S'ils ne furent pas réellement connus avant 1878, ils acquirent leur renommée dès les années 1890, par l'intermédiaire de la photographie et de l'édition.
Deux témoignages célèbres, s'y rapportant directement ou indirectement, soulèvent des questions techniques délicates. Le premier émane d'Auguste Poulet-Malassis (1825 – 1878), éditeur de Baudelaire, voisin de Daumier dans l'ile Saint-Louis. Le 14 janvier 1852, Baudelaire le « mène chez Daumier quai d'Anjou » et l'éditeur des Fleurs du mal observe que Daumier « fait aussi de la sculpture. Je vois comme une grande bacchanale de cire aux murs de l'atelier ». La mention d'une Bacchanale en cire a toujours été sujette à caution. S'agit-il d'une erreur de Poulet-Malassis comme il est communément admis, ou un relief représentant une Bacchanale sans lien avec les Fugitifs, était-il accroché aux murs de l'atelier de Daumier ? Il est difficile d'apporter une réponse, bien que Poulet-Malassis ait modéré sa constatation : « comme une bacchanale ». Quant au témoignage du critique d'art Philippe Burty (1830 – 1890), il constitue la première description connue des Fugitifs. Le 10 décembre 1862, il passe la soirée avec Louis Steinheil (1814 – 1895) dans l'atelier de Victor Geoffroy-Dechaume (1816 – 1892), qui lui « fait voir un bas-relief en cire et un bas-relief de terre-cuite de Daumier exécutés il y a quelques années. Le sujet est le même, traité avec quelque variante. C'est une sorte de départ, de fuite de personnages nus, emportant sur leurs épaules sur leur tête, sur la hanche, des paquets volumineux ou pesants ». On considère généralement que Burty a commis une erreur d'appréciation en parlant de cire. Il était pourtant connaisseur, et quand bien même la luminosité hivernale n'ait pas été idéale, il avait une familiarité certaine avec ce matériau, puisqu'il possédait des cires d'Henry Cros (1840 – 1907). Burty différencie d'ailleurs parfaitement ce relief de l'autre, « de terre-cuite », même s'il pourrait s'agir probablement d'un plâtre retouché. S'il est certain que le relief de Paris a été moulé sur une terre ou un plâtre retravaillé à la terre, on peut alors se demander si celui conservé à la National Gallery of Australia, Canberra ne procède pas d'une cire, ce qui expliquerait la disparité des traces d'outils constatées sur les deux sculptures.
Il est difficile d'avancer une date précise pour le modelage du relief original en terre crue à partir duquel furent moulés par Geoffroy-Dechaume les plâtres ayant aujourd'hui valeur d'originaux. Plusieurs datations ont été envisagées, de la plus précoce, 1832-1833, proposée par Léon Rosenthal (1870 – 1932) au regard du modelage des bustes et de l'émigration polonaise à Paris ces années-là, à la plus tardive, 1871, justifiée par les événements de la Commune, avancée par Maurice Gobin (1883 – 1962). Ces dates sont trop extrêmes, il convient de les réfuter pour celles communément admises par Karl E. Maison, Jeanne L. Wasserman (1915 – 2006), T.J. Clark (1943 –), Jean Cherpin (1899–1985) et Jean Adhémar (1908 – 1987) : entre 1848, après la répression des mouvements insurrectionnels des journées de juin, et 1852, date du premier témoignage qui pourrait se rapporter à l'un des reliefs de Daumier, ruinant ainsi l’hypothèse de 1855 émisse par Eduard Fuchs (1870 – 1940) en 1927. Il existe vraisemblablement trois états successifs d'une même œuvre retravaillée sans cesse par Daumier, qui recourut aux talents de mouleur de Geoffroy-Dechaume pour reprendre sa composition : « premier état » (voir illustration ci-dessous), « deuxième état » (conservé à Canberra) et « troisième état » (voir illustration ci-dessous).

Fugitifs, entre 1850 et 1852
Musée d'Orsay
Achat, 1998
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

Fugitifs, 1848
Musée d'Orsay
Achat, 1960
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Ces deux derniers, encadrés d'une modeste baguette en bois, furent particulièrement bien étudiés par Jeanne L. Wasserman et Arthur Beale en 1969. Ils ont établi avec pertinence l'antériorité du plâtre conservé à la National Gallery de Canberra par rapport à celui du musée d'Orsay. Les « questions déroutantes » que posait en 1969 la comparaison des deuxième et troisième états pourraient trouver aujourd'hui quelques éléments de réponse. Lors de la préparation de l'exposition de 1999 au Grand-Palais, « Daumier, 1808 – 1879 », nous avons retrouvé et acquis un fragment de la partie gauche de la composition. Mentionné par Maurice Gobin comme « paraissant issu d'un moule original mais incomplètement venu », il a été de nouveau signalé par Jeanne L. Wasserman, mais n'avait jamais été étudié. (ILL) Ce fragment constitue, au-delà de sa remarquable vigueur plastique, un témoin précieux pour tenter de comprendre la genèse des plâtres originaux des Fugitifs, et donc la technique de Daumier. La fraîcheur et l'acuité de certains détails, comme la présence d'un chignon à l'arrière du crâne de la femme portant l'enfant sur son bras, l'absence de manques sur la terrasse, la superposition des coutures et des traces d'empreintes digitales plaident en faveur d'un statut antérieur à celui des plâtres originaux de Canberra et Paris. Ce relief a été moulé selon la technique du moule à pièces (ou à bon creux), c'est-à-dire en procédant par surfaces réduites, probablement d'après une première épreuve en plâtre déjà retravaillée à la terre crue, comme l'indiquent des coutures plus anciennes, recouvertes d'ajouts de glaise. Il ne semble pas que Daumier ait utilisé de cire pour ce fragment. Le bord extérieur droit de la planchette sur laquelle Daumier a modelé cette partie du relief est bien visible sur ce fragment, mais également sur le plâtre de Canberra. Sur celui-ci, l'espace entre la figure centrale et l'homme portant le brancard semble comblé de façon aléatoire, malgré l'intention de suggérer deux profils. Le pied droit de l'homme est sectionné au niveau du métatarse ; s'il se prolongeait en volume, il chevaucherait le pied droit de la figure centrale.
On pourrait imaginer que Daumier, à la faveur d'une cassure imprévue lors d'un des moulages, a travaillé séparément les deux parties du relief, pour les ajuster in fine, ce qui expliquerait cette légère incohérence d'articulation. Cette hypothèse semble être corroborée par le revers du fragment qui présente horizontalement, à sa partie inférieure, une profonde rainure ainsi qu'un guillochage, comme s'il avait été prévu de rabouter deux parties. Sur les reliefs complets, les figures de la partie gauche ne montrent pas leur visage au spectateur, alors que celles de droite sont représentées soit de face, comme la femme affligée, soit de profil, comme l'homme portant le brancard. S'il est envisageable qu'un accident, lors d'un premier démoulage, ait pu être à l'origine d'une composition en deux parties, le fragment a cependant été moulé comme tel, avec la ligne de fracture sinueuse à son extrémité droite. Daumier, préfigurant ainsi Rodin, a pu exploiter un événement fortuit comme une étape de sa recherche. Le dessin, seule étude connue à ce jour directement liée au relief, qui résume l'essentiel de la composition, ne laisse pas de soulever une interrogation : s'agit-il d'une pensée antérieure ou postérieure au modelage ?

Les émigrants
Collection Musée d'Orsay - Département des Arts Graphiques du musée du Louvre, Paris
Don M. Claude Roger-Marx, 1978
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Gérard Blot
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Si la disposition des personnages est de prime abord bien identique à celle des trois états, l'ensemble pourrait manquer de cohésion car la partie gauche du dessin semble se diluer dans l'espace. Daumier a introduit quelques variations par rapport à la composition du modelage, comme le personnage à l'extrême droite du dessin qui porte un ballot sous le bras et clôt la disposition par un mouvement d'ouverture. À peine suggéré sur les reliefs, il semble rappeler, dans une symétrie inversée, la figure vigoureuse à l'extrême gauche des plâtres. De plus, les personnages de ce dessin présentent un luxe de détails dans la caractérisation des visages que l'on ne retrouve que sur un seul profil masculin, à l'extrême droite du deuxième état (cat. 146). Daumier a même étudié à part, au bas de la feuille, le profil de l'homme portant un brancard comme un masque d'affliction particulièrement expressif. Martin Sonnabend (1953 -) a considéré, à juste titre, que Daumier avait dû réaliser ce dessin immédiatement après avoir modelé le relief. Le mélange de volumes aboutis, très proches de la sculpture, et l'indécision de la construction de l'extrémité gauche du dessin semblent témoigner des hésitations du sculpteur pour parvenir à l'équilibre de cette composition tournante. On pourrait donc envisager que Daumier ait été tenté de reprendre l'élaboration de La composition entre le premier et le deuxième état du relief.
En 1969, Wasserman et Beale considéraient que le plâtre de Canberra « n'[était] pas un agrandissement trait pour trait » de celui conservé à Paris, « mais plutôt une adaptation », et que si le plâtre de Canberra « avait d'abord été réalisé par Daumier, peut-être l'avait-il abandonné avant de le finir, et, souhaitant le terminer ultérieurement, l'aurait-il trouvé trop durci pour continuer à le travailler. Il aurait pu alors modeler un relief complètement nouveau, la soi-disant "première" version, qui apparait comme une sculpture plus cohérente ». La composition des deux reliefs est identique et ne diffère que par quelques détails, comme le sol sur lequel marchent les personnages, lacunaire sur le deuxième état mais complet sur le troisième. Une couture identique localisée sur le postérieur de l'enfant, placé à l'extrême gauche de la composition, se retrouve sur les deux reliefs. On remarque également dans les deux cas l'absence du pied droit de la femme qui pleure: ces plâtres procèdent en fait de la même matrice. Le relief de Canberra apparait plus fort malgré ses manques, les volumes s'imposent avec une remarquable simplicité. L'aspect de surface du relief de Paris est plus rugueux, les volumes saillent sur un fond vibrant, qui n'est pas sans unifier les masses. Faut-il y voir un reflet de recherches picturales parallèles ? On pourrait alors envisager les hypothèses suivantes. Daumier a pu modeler le relief original en terre crue vers 1850. Lors des premiers moulages par Geoffroy-Dechaume, un accident est à l'origine du fragment, qui garde la trace du premier état du relief. Après un certain nombre d'épreuves, le sculpteur finit par exécuter à un deuxième état dont témoigne le plâtre de Canberra, point d'aboutissement provisoire des recherches de Daumier. Il conserva également une terre crue, aujourd'hui disparue. Était-ce le modelage original ou un estampage provenant du moule du premier état ? Au cours des mois, la terre non cuite se rétracta, Daumier la fit alors mouler, pour retravailler l'épreuve en plâtre à la glaise, atténuant ainsi la zone intermédiaire entre les deux parties de la composition, que l'on devine sur le deuxième état. Daumier laissa probablement les reliefs se détériorer, comme l'indiquent les lacunes retranscrites par le plâtre de Canberra. La présence en 1862, dans l'atelier de Geoffroy-Dechaume, des reliefs « exécutés il y a quelques années » est cohérente : en 1860, Daumier avait été renvoyé du Charivari et déménagea de l'ile Saint-Louis. Le don eut-il lieu à ce moment-là ou Daumier les avait-il déjà laissés à son ami ? En raison de leur fragilité, ces précieuses sculptures furent vraisemblablement moulées une dernière fois à creux perdu par Geoffroy-Dechaume, donnant ainsi aux plâtres de Canberra et de Paris le statut d'originaux. La date exacte de cette opération reste difficile à déterminer, elle intervint après 1862, si le témoignage de Burty est exact, et en tous cas avant 1878.
Geoffroy-Dechaume mourut en 1892. Plusieurs surmoulages du deuxième état (mais aucun du troisième) furent réalisés à partir de 1893, dont l'un, qui appartenait à Armand Dayot (1851 – 1934), servit à l'édition des bronzes, évitant ainsi de détériorer davantage le plâtre original. Le modèle sur fond de coulage généreusement donné en 1982 par la famille Geoffroy-Dechaume au musée d'Orsay (voir illustration ci-dessous) permet d'élucider une partie de l'histoire du deuxième état.

Fugitifs, 1848
Musée d'Orsay
Don famille Geoffroy-Dechaume, 1982
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
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Ce dernier était intact lorsque Arsène Alexandre en publia une photographie en 1888. Le plâtre fut-il brisé à l'occasion d'un déménagement, ou lors des opérations de moulage en vue de la fonte ? Le relief a été moulé avec son cadre. L'absence de trous de vers sur le cadre et la ligne de fracture visible aujourd'hui sur le relief de Canberra permettent de dater l'exécution de ce plâtre d'avant 1905, date à laquelle Geffroy publia une photographie du deuxième état déjà fissuré. Il est difficile de préciser la date de la première édition à cinq exemplaires du deuxième état par Siot-Decauville. La fonte fut-elle effectuée dès 1893 comme semble l'indiquer une lettre du fils de Geoffroy-Dechaume ? Cependant, en 1905 Geffroy souhaitait que « le bronze sauve encore [...] une ébauche en bas-relief des Émigrants ». Pensait-il au troisième état qui ne fut édité qu'en 1955 ? Il faut noter que la première photographie d'un bronze Siot-Decauville fut publiée en 1907 dans l'ouvrage d'Henry Marcel (1854 – 1926). Enfin, avant 1914, le marchand berlinois Paul Cassirer (1871 – 1926) avait fait tirer un nombre illimité de galvanoplasties d'après le surmoulage qui appartenait à Claude Roger-Marx (1888 – 1977). En mai 1914, Adolphe Geoffroy-Dechaume, fils de Victor, vendit le plâtre original du deuxième état au collectionneur Albert Bouasse-Lebel (18.. – 1955). Lorsque celui-ci apprit l'existence des galvanoplasties allemandes, il rétrocéda immédiatement le plâtre dont il aurait voulu avoir l'exclusivité de l'édition…
Cet article a été initialement publié dans le catalogue de l'exposition « Daumier » présentée au Galeries nationales du Grand Palais du 08 octobre 1999 au 03 janvier 2000. Retrouvez cet article accompagné de son appareil de notes et références bibliographiques dans ce catalogue.