Questions à Virginie Donzeaud, administratrice générale adjointe des musée d'Orsay et de l'Orangerie

Journée mondiale des réfugiés
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© Musée d'Orsay / Sophie Crépy

Chaque année, le 20 juin marque la journée mondiale des réfugiés. Pour la première fois cette année, les musées d’Orsay et de l’Orangerie organisent à cette occasion une « Semaine pour l’inclusion des réfugiés ». À travers plusieurs évènements proposés aux agents, l’Établissement sensibilise aux trajectoires diverses des personnes réfugiées et met en lumière le rôle de la culture dans le parcours d’insertion. Ces événements sont pensés en lien avec les partenaires de long terme de l’Établissement, des acteurs associatifs œuvrant pour l’inclusion des réfugiés dans la citoyenneté et la société à travers la culture et l’emploi. 

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Cette initiative est une première pour l’Établissement, mais elle s’inscrit dans un engagement de long terme pour l’inclusion et l’accès de la culture à toutes et tous. En quoi cet évènement reflète-t-il la démarche portée par les musées d’Orsay et de l’Orangerie ?

Virginie Donzeaud : Nous sommes engagés depuis plusieurs années dans une stratégie de responsabilité sociétale des organisations (RSO), que nous avons renouvelé cette année pour la période 2025-2030. Cette stratégie guide nos actions pour des musées inclusifs et écoresponsables, et nous engage vis-à-vis de nos publics comme de nos agents. 

Nous portons des valeurs d’inclusion, d’égalité et d’ouverture. Nous œuvrons à l’accessibilité de nos espaces et de notre offre scientifique et culturelle ; nous allons à la rencontre des publics dits éloignés pour inventer ensemble d’autres manières de vivre le musée ; nous mettons en lumière les femmes artistes ; nous intégrons les sujets de société dans notre programmation…

Cette démarche qui traverse toutes nos activités illustre notre conviction que le musée est un lieu où se construit la citoyenneté, à travers la rencontre avec les œuvres et la culture. C’est tout le sens des partenariats que nous développons depuis plusieurs années avec des acteurs associatifs et institutionnels qui œuvrent pour l’inclusion des personnes réfugiées à travers la culture et l’emploi. 

Ce rôle peut prendre de multiples formes : en proposant aux personnes accompagnées par ces associations des visites privilégiées dans nos collections ; en organisant des rencontres avec nos équipes afin de partager expériences et savoir-faire ; en utilisant nos collections comme support d’apprentissage du français… Nous avons même accueilli une journée d’entrée dans la nationalité en 2023, à l’occasion de laquelle plus d’une centaine de nouveaux Français, Françaises et leurs proches ont découvert les collections du musée d’Orsay, après une cérémonie dans notre salle des fêtes. 

Nous avons organisé il y a quelques semaines la troisième édition du concours « Voix en Exil » porté par l’Agence des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR), dans l’auditorium du musée d’Orsay. Huit jeunes originaires d’Afghanistan, du Bangladesh ou d’Ukraine ont pris la parole sur la scène, sur le thème de la solidarité. Chaque discours intégrait un clin d’œil aux collections du musée. C’était un grand moment d’humanité, de fraternité et d’émotion.

Voix en exil : les participants
© Musée d'Orsay Musée d’Orsay / Laëtitia Striffling-Marcu Laëtitia Striffling-Marcu

Cette semaine s’articule autour d’événements essentiellement organisés en interne. En quoi est-il important d’associer et d’inclure les agents de l’Établissement à cette démarche ? 

VD : Notre stratégie RSO est pensée au bénéfice de nos publics et de nos agents : ce qui est développé pour les publics a un écho auprès des agents et réciproquement. Ces enjeux concernent et mobilisent nos agents, et il nous a paru essentiel de leur proposer de participer directement aux différents partenariats que nous développons depuis plusieurs années. 
Tous ces partenariats ont d’ailleurs pour objectif commun de provoquer des échanges et des rencontres : autour des parcours de vie avec l’Agence des Nations-Unies pour les réfugiés, autour des savoir-faire avec l’association Espero, autour de la transmission et de l’émotion face à l’art avec SAMA for all… 

Parmi les évènements proposés cette année, nous avons organisé une table ronde dans laquelle nous avons donné la parole à quatre femmes réfugiées, chacune avec son propre lien à la culture et à l’art. Parmi ces femmes, deux sont agentes au musée d’Orsay. Il est important pour nous de proposer un cadre qui permettent les échanges et le partage de ces parcours personnels. 

Nous avons aussi proposé une Fresque de la migration, un atelier pédagogique autour du parcours migratoire depuis le pays d’origine jusqu’à l’arrivée en France développé par le HCR, ainsi qu’une collecte de livres au bénéfice de l’association Bibliothèques sans frontières. 

Comment et pourquoi sont nés ces différents partenariats ? 

VD : Dans le cadre de notre démarche RSO, nous développons de nombreux partenariats avec des acteurs associatifs engagés, qui nous permettent d’avoir un réel impact « sur le terrain », auprès de leurs bénéficiaires. Nos collections et nos espaces sont le point de départ de projets aussi divers que nos partenaires : prestations d’éloquence, collection couture, exercices de prise de parole en public… 

Ces partenariats sont issus de rencontres et de liens tissés au fil de nos projets. Nous avons par exemple rencontré l’Agence des Nations-Unies pour les réfugiés en 2022, en accueillant la cérémonie de remise des prix du Fond innovation de l’Agence, qui récompensait notamment notre partenaire SAMA for All. Nous avons ensuite mené plusieurs actions ponctuelles avec le HCR, jusqu’à formaliser un partenariat début 2025, qui nous permet d’ancrer cette collaboration sur le temps long. 

De cette rencontre est aussi né notre partenariat avec l’association Espero, également lauréate du Fond innovation. Espero présente cette année une seconde collection couture inspirée du musée d’Orsay et de nos collections, qui sera mise en lumière le 3 juillet dans notre belle salle des fêtes. Parmi les pièces présentées, trois nous tiennent particulièrement à cœur : des sacs créés en collaboration avec des artisans de nos musées, qui mettent en valeur le travail du bois, du métal et de la restauration de cadres. 

Nous apprenons beaucoup de ces partenariats, qui nous offrent un nouveau regard sur nos collections et de nouvelles manières de parler à nos publics. 

Les ateliers Espero
© Cristina Suarez Silva

Quel est pour vous le rôle de la culture et l’art dans l’inclusion des personnes réfugiées ? 

VD : Les collections présentées dans nos musées sont un patrimoine universel ; plus encore, elles parlent à tous et toutes, quelle que soit la langue ou la culture d’origine.  L’art est un langage universel qui permet aux personnes réfugiées un moment de répit et un partage de ressentis et d’émotions.

C’est un témoignage qui nous revient souvent, y compris de la part de nos agents. 

Le musée porte aussi un rôle de socialisation : à travers des programmes comme celui porté par notre partenaire SAMA for all, les personnes réfugiées peuvent trouver un réseau, un espace d’apprentissage, et des clés pour un futur emploi. 

C’est pour renforcer ce rôle d’espace de rencontre, d’évasion et d’épanouissement, que nous formons nos partenaires à mener eux-mêmes des visites pour leurs bénéficiaires, à travers notre programme de relais. Nous espérons ainsi développer notre impact et permettre à toujours davantage de publics de profiter de nos collections et du soutien qu’elles peuvent apporter.

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