Au Nouveau Cirque, Papa Chrysanthème

Henri de Toulouse-Lautrec
Au Nouveau Cirque, Papa Chrysanthème
vers 1894-1895
vitrail : verres américains, cabochons
H. 120,0 ; L. 85,0 cm.
Don Henry Dauberville au nom de ses enfants Béatrice et Guy-Patrice Dauberville, 1979
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Gérard Blot
Henri de Toulouse-Lautrec (1864 - 1901)
Oeuvre non exposée en salle actuellement

En 1895, le marchand Siegfried Bing (1838-1905) transforme sa fameuse galerie parisienne consacrée aux arts de l'Extrême-Orient en un établissement à l'enseigne significative, L'Art Nouveau, destiné à promouvoir les arts appliqués à l'industrie. Les oeuvres, rassemblant toutes les techniques, y sont présentées dans des espaces agencés comme des intérieurs privés, conçus et décorés par des artistes d'avant-garde tels Henry Van de Velde, Paul Ranson ou Maurice Denis.
Bing est alors de retour d'un voyage aux Etats-Unis où il avait été envoyé par le directeur des Beaux-Arts. Les résultats de son enquête paraîtront en 1896 sous le titre La Culture artistique en Amérique. Il a découvert là-bas les ateliers de Louis-Comfort Tiffany (1848-1933), créateur de nouveaux verres artistiques colorés dans la masse, appelés favrile glass ou verres américains, qui produisent des effets de couleur et de diffusion lumineuse inédits. Enthousiasmé, Bing commande à quelques artistes nabis et à Toulouse-Lautrec une dizaine de cartons de vitraux devant être réalisés à New York par Tiffany - le vitrail joue alors un rôle important dans le renouveau du décor intérieur -. Ceux-ci sont prêts au printemps 1895.
Dans la galerie L'Art Nouveau, le vitrail de Lautrec occupe une place particulièrement en vue, au-dessus de l'entrée qui mène directement vers la partie du magasin consacrée aux objets japonais. Ceci n'est guère surprenant tant la composition, les sinuosités accentuées par l'usage du cloisonnisme, font de Papa chrysanthème une oeuvre japonisante. Le sujet lui-même s'inspire d'une représentation d'un ballet d'inspiration japonaise donné en 1892 au Nouveau Cirque de la rue Saint-Honoré.
Le vitrail est notamment salué par Jacques-Emile Blanche dans La Revue blanche : "Le plus étonnant de ces morceaux est peut-être celui de M. de Lautrec qui a su, d'une scène de cirque et d'un chapeau de cocotte, composer le plus beau motif de décoration et le plus moderne". Malgré ce succès d'estime - d'autres avis sur la série de vitraux sont plus mitigés -, Bing ne reçoit, semble-t-il, aucune commande et conserve cette oeuvre qui par l'audace de sa mise en page et la complexité de ses moyens de fabrication est tout à fait représentative des ambitions du mouvement Art Nouveau naissant.