Porte de l'Enfer
A l'emplacement même de la gare d'Orsay, s'élevait au XIXe siècle l'ancienne Cour des comptes. Brûlée en 1871 durant la Commune, elle devait être remplacée par un musée des Arts décoratifs. Pour son entrée, l'Etat commande à Rodin en 1880 une porte monumentale. Elle devait être ornée de onze bas-reliefs représentant la Divine Comédie de Dante. Rodin s'inspire des célèbres portes que Ghiberti avait réalisées au XVe siècle pour le baptistère de Florence.
Trois ans plus tard, l'artiste est parvenu à un premier état qui le satisfait, mais le projet du musée est abandonné. Cette porte sans destination devient alors pour Rodin une sorte de réservoir créatif pour de nombreux groupes qui finissent par s'en affranchir comme Le Penseur ou Le Baiser. La Porte de l'Enfer, que seuls quelques critiques introduits ont pu voir, prend alors valeur de symbole : du génie créatif sans contrainte de Rodin pour les uns, de son incapacité à aboutir pour les autres. Elle ne sera exposée qu'à l'Exposition universelle de 1900 dans une version incomplète.
Au sommet, le groupe des trois Ombres est en fait, dans une démarche extrêmement moderne, la triple répétition de la même figure amputée d'un bras. Au trumeau, le Penseur (Dante lui-même) surplombe l'abîme. Sur le battant de droite on reconnaît Ugolin. Sur celui de gauche, Paolo et Francesca s'insèrent dans une dégringolade de corps. L'ensemble émerge de laves bouillonnantes. Les attitudes convulsées traduisent désespoir, douleur, malédiction. Les formes envahissent la structure au point de venir parfois remplacer les éléments architecturaux.
Oeuvre symboliste par excellence, laissant toute liberté à l'imagination, le haut relief laisse libre cours à la véhémence et au pouvoir d'expression du corps humain dans un espace indéterminé, fortement perturbé par les jeux d'ombre et de lumière. Le plâtre du musée d'Orsay date de 1917. La Porte de l'Enfer a finalement rejoint l'emplacement pour lequel elle avait été commandée, sans néanmoins avoir sa fonction de porte.
- 1880, acquis après commande plâtre commandé par Jules Ferry pour le musée des Arts décoratifs (à construire) (8000 F)) (arrêté du 16/08/1880)
- augmentations le 31 octobre 1881 (10000 F) ; le 8 août 1884 (7000 F) ; le 17 mars 1888 (5000 F) (total 30000 F)
- huit acomptes furent versés de 1880 à 1888
- 1917, le solde fut payé après "achèvement" de Léonce Bénédite et Paul Cruet (épreuves tirées d'anciens moules) le 26 juillet 1917
- inventorié pour ordre, n° 2884 "livré directement à l'hôtel Biron"
- à la chapelle de l'hôtel Biron, Paris (S 2450)
- attribué au musée Rodin
- 1977-1986, confiée à la fonderie de Coubertin à Saint-Rémy-lès-Chevreuse pour servir de modèle à la reprise de l'édition en bronze
- 1986, dépôt au musée d'Orsay (arrêté du 27 février 1986) (DO 1986 4) (entrée au musée d'Orsay le 6 mars 1986) (arrêté renouvelé le 4 décembre 1991)
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Bénédite, Léonce, Catalogue sommaire des oeuvres d'Auguste Rodin et autres oeuvres d'art de la donation Rodin, Paris, Frazier-Soye, 1919, n° 256
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Lami, Stanislas, Dictionnaire des sculpteurs de l'Ecole française au XIXe siècle. T. IV. N-Z, Paris, E. Champion, 1921, p. 166
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Grappe, Georges, Catalogue du musée Rodin, Paris, [s.n.], 1929, n° 47 (bronze)
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Grappe, Georges, Catalogue du musée Rodin, Paris, [s.n.], 1944, n° 54
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Elsen, Albert Edward, The Gates of Hell, Stanford, Standford University Press, 1985
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Le Normand-Romain, Antoinette, Rodin, La Porte de l'Enfer, Paris, Musée Rodin, 1999
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Pingeot, Anne, 48/14 La revue du Musée d'Orsay, "Rodin au musée du Luxembourg", Paris, Réunion des musées nationaux, 2000, p. 64-77 reprod.
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(dir.) Cogeval, Guy, Le Musée d'Orsay à 360 degrés, Paris, Skira ; Flammarion ; Musée d'Orsay, 2013, p. 161, texte de Catherine Chevillot
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Pingeot, Anne ; Le Normand-Romain, Antoinette ; Margerie, Laure de, Musée d'Orsay. Catalogue sommaire illustré des sculptures, Paris, Réunion des musées nationaux, 1986, p.239
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