À sa façon, à la fois fantaisiste et profonde, ZOO s’empare des questions qui se posent, notamment depuis l’Origine des espèces de Darwin en 1857, sur l’homme et l’animal. La pièce est une adaptation par Vercors lui-même de son célèbre roman Les Animaux dénaturés qu’il adapta à deux reprises, et notamment en 1975 pour la création de Jean Mercure au Théâtre de la Ville.
Aujourd’hui, elle apparait comme une aventure intellectuelle aussi intrigante qu’ancrée dans son temps, que nous ne manquerons pas à notre tour de placer à la lumière des avancées scientifiques, philosophiques voire éthiques, qui ont depuis apporté d’autres éclairages – et soulevé d’autres questions – concernant ce qui nous distingue autant que ce qui nous rapproche, du monde animal.
Revenant sur les traces du fameux « chainon manquant », la pièce organise les débats sous forme de procès, réunissant force témoins et interrogatoires. Humanité et Humanisme viennent y occuper une place centrale, tandis que l’essor voire la survie de notre économie industrielle est suspendue au verdict et que la notion de « race » et de ses corollaires s’invite rapidement dans les échanges. On se souvient alors qu’écrit en 1952, le roman s’inscrit pleinement dans les œuvres nées de la Seconde Guerre mondiale et de la révélation de ses atrocités. Et on mesure combien les questions soulevées ici sont comme les premières échappées d’une boite de Pandore aux profondeurs indéfinies.
Pour nous, qui avons associé plusieurs scientifiques, médecins et chercheurs à notre projet d’un Théâtre de la Ville ouvert aux alliances entre disciplines, le laboratoire mené autour de cette œuvre, par les questions scientifiques, philosophiques et esthétiques qu’elle soulève, s’inscrit pleinement dans la recherche d’un répertoire qui relie travail de mémoire et construction du présent. Réunissant à cette occasion les collaborateurs artistiques et les acteurs de la troupe du Théâtre de la Ville, des scientifiques tels Jean Audouze, des chercheurs en neurosciences tels Carine Karachi et le dramaturge François Regnault, nous continuons donc, à travers cette proposition, à réveiller notre passé, interroger le présent et imaginer l’avenir.
Emmanuel Demarcy-Mota
