- 9h30 - Mot d’ouverture par Claire Bernardi, directrice du musée de l’Orangerie, Cécile Girardeau et Simonetta Fraquelli, commissaires de l’exposition .
Matinée
- 10h - « Car tout est affaire ici ». Stratégies de renouveau et de rayonnement dans le marché de l’art parisien, 1906 à 1923 / Peter Read, Historien de l’art et de littérature, professeur émérite, université du Kent, Canterbury, Royaume-Uni
Dans le Paris du début du 20e siècle, les ruptures conceptuelles et esthétiques initiées par un petit nombre d’artistes ouvrent un espace commercial, rapidement investi par une nouvelle génération de marchands d’art. « Ce sont les grands artistes qui font les grands marchands », dira Daniel-Henry Kahnweiler. Certaines caractéristiques des œuvres les plus audacieuses de l’époque (intégration de marques publicitaires, associations du mot et de l’image, porosité des frontières culturelles, affinités avec des sculptures d’Afrique) vont également sous-tendre les choix stratégiques et les démarches des acteurs les plus hardis du marché de l’art. Cette hypothèse orientera notre propos concernant la modernisation et l’expansion internationale du marché parisien de l’art moderne à l’époque de Modigliani.
- 10h30 - Modigliani, l'inconnu / Marianne Le Morvan, directrice des Archives Berthe Weill, chargée de documentation pour Marc Chagall, chargée de conservation du Fonds de dotation Léon Delachaux et commissaire d’expositions indépendante
Bien qu’il soit l’un des artistes trônant parmi les plus chers du marché, il est très difficile de nos jours de confirmer l’authenticité d’un Modigliani. Ce paradoxe tient à de nombreuses difficultés qui méritent un état des lieux pragmatique. Cette intervention lors du colloque qui lui est consacré ambitionne de présenter les sources disponibles et leurs limites, en faisant la démonstration de l’importance de la recherche de provenance pour le travail des historiens de l’art, tout particulièrement dans le cas de Modigliani.
- 11h - Pause
- 11h15 - Quand Modigliani n’avait pas de marchand : le temps de Paul et Jean Alexandre (1907-1914) / Diederik Bakhuys, conservateur, musée des Beaux-Arts de Rouen
Arrivé à Paris en 1906, Modigliani y travaille pendant huit ans sans pratiquement aucun accès au marché de l’art. Son principal soutien lui vient alors du jeune médecin Paul Alexandre, rencontré en 1907, et de son frère Jean. Témoins sensibles du murissement du style, ils sont pendant plusieurs années ses principaux modèles et lui apportent ses toutes premières commandes. Ils recueilleront aussi l’essentiel de son œuvre précoce. Quelle a été exactement la nature de cette relation singulière, dont la fin coïncide presque exactement avec l’insertion de Modigliani dans le marché des avant-gardes ?
- 11h45 - Zbo, l’autre marchand de Modigliani et des autres / Ewa Bobrowska, Ph. D. Associate Program Officer, Convening Grants and Library Manager, Terra Foundation for American Art
Cette intervention rappellera l’autre marchand de Modigliani, le charismatique Léopold Zborowski (1889 Zaleszczyki – 1932 Paris), une figure majeure du nouvel art qui se développe à Paris autour de la Ière Guerre mondiale. Ami et marchand de Modigliani, de Soutine, d’Utrillo, de Kisling, il opère d’abord comme « marchand en chambre », puis ouvre, en 1926, une galerie au 26 rue de Seine à Paris. Il y offre des œuvres de « ses » artistes confirmés, mais organise également des expositions des artistes jeunes ou débutants, français et internationaux, comme André Lasserre, Eugène Eibisch, ou Emile Savitry. Les questions concernant la « légende Zborowski », homme providentiel ou profiteur des faiblesses des « artistes maudits » et le « label Zborowski » y seront discutées.
- 12h15 - Roger Dutilleul, collectionneur passionné de Modigliani et archiviste consciencieux des acquéreurs et prix des œuvres de l’artiste italien / Marie-Amélie Senot, responsable de la collection d’art contemporain du LaM-Lille Métropole, Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, Villeneuve d’Ascq, commissaire d’expositions, notamment « Amedeo Modigliani, l’œil intérieur » en 2016 et « Les secrets de Modigliani » en 2021.
Roger Dutilleul (1872-1956), collectionneur et acheteur de la première heure des Cubistes chez Daniel Henry Kahnweiler, découvre les œuvres d’Amedeo Modigliani durant une permission en 1917, probablement dans la vitrine de Paul Guillaume. Dès lors, Dutilleul va acquérir de nombreuses œuvres auprès du marchand Zborowski, l’artiste italien fera son portrait en juin 1919. Il continuera à enrichir sa collection par des échanges et achats pour avoir un échantillon des différentes directions de recherches de Modigliani. En collectionneur méticuleux, il relève les prix des œuvres et les note scrupuleusement dans les catalogues et son carnet permettant d’avoir une idée partielle de l’évolution des prix de l’artiste entre 1919 et 1956.
Après-midi
- 14h30 - De l’inclusion des arts d’Afrique au marché de l’art des années 1910 / Maureen Murphy, historienne de l’art, professeure d’art contemporain, université Paris 10 Nanterre
Les biens culturels africains circulent hors du continent depuis la Renaissance, mais ce n’est qu’au début du XXème siècle qu’ils se voient associés à l’idée d’art telle qu’elle se développe en Europe. Notre propos portera sur le processus d’inclusion des artefacts d’Afrique au canon moderne, en nous intéressant à la fois aux acteurs de ce phénomène (aux marchands, aux artistes et aux poètes), ainsi qu’aux objets en question.
- 15h - Modigliani et Zadkine au prisme de leur rapport différencié au marché de l’art/ Cécilie Champy-Vinas, conservatrice en chef et directrice du musée Zadkine et Thierry Dufrêne, professeur d’histoire de l’art, université Paris 10 Nanterre
À l’occasion de l’exposition qu’organisera le musée Zadkine à l’automne 2024, consacrée à l’amitié qui a uni Amedeo Modigliani et le sculpteur Ossip Zadkine au lendemain de la Première Guerre mondiale, cette intervention propose de confronter le rapport au marché de l’art qu’entretenaient les deux artistes. Modigliani et Zadkine partageaient en effet de nombreuses relations, communes aux artistes « montparnassiens ». Ils étaient notamment tous les deux proches du marchand Léopold Zborowski, établi rue Joseph Bara à quelques pas de la maison de la rue d’Assas qui deviendra bientôt l’atelier de Zadkine (aujourd’hui son musée). Cependant, Zadkine, plus indépendant, met en place une stratégie différente pour faire carrière, refusant de dépendre d’un seul marchand et préférant se constituer un réseau d’amis et de collectionneurs diversifié, en France mais aussi en Belgique et aux Pays-Bas. Dans ses mémoires parues de façon posthume en 1968, Zadkine porte un regard distancié et critique sur Modigliani, dont il estime que « la dame spéculation s’est emparée » à la fin de sa courte carrière.
- 15h30 - Pause
- 15h45 – Prospérer à l’ombre de Modigliani. La vie criminelle d’Arthur Pfannstiel (1901-1984) / Didier Schulmann, conservateur à la retraite
Arthur Pfannstiel (1901-1984), né près d’Hambourg mais Allemand de Paris où il s’installe en 1926, y publie en 1929 le premier catalogue raisonné de l’œuvre de Modigliani, ce qui lui permet, l’année suivante, d’être un des organisateurs de l’exposition Modigliani du Kunsthaus de Zürich. Il réédite son catalogue en 1956, remodelé et reformaté ; en 1968, il organise au musée d’Utrecht une exposition pleine de faux et, posthumément, en 1986, est publié à Jacksonville (Floride) son catalogue raisonné des sculptures de Modigliani.
Dans l’intervalle, il traduit en 1936 des discours d’Hitler chez Bernard Grasset ; Bagatelles pour un Massacre de L.-F. Céline, en 1938, sous le titre Die Judenverschwörung in Frankreich chez un éditeur de Dresde ; Das verratene Frankreich (la France trahie) en 1940 aux presses du NSDAP à Berlin. A Paris, pendant l’Occupation, il est l’un des dirigeants d’un organisme franco-allemand, le Service des Sociétés Secrètes, que lors de ses procès, à la Libération, la presse appellera « la Gestapo du Square Rapp ». Il se livre à des trafics d’œuvres d’art volées à des Juifs et des francs-maçons dans le cadre des perquisitions domiciliaires auxquelles l’appelaient ses fonctions.
Une criminelle vie d’artiste, qui a permis à Pfannstiel - le plus souvent désigné artiste-peintre - de prospérer à l’ombre de Modigliani …
- 16h15 - Présentation et signature d’ouvrage par l’auteure, Sylphide de Daranyi : Paul Guillaume, Marchand d’art et collectionneur (1891-1934), Flammarion / Musée de l'Orangerie, 2023.